30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 17:08

Dans les caveaux du Fuzz
  Seconds couteaux et perles de série B 

 

 

French Freaks, épisode 2

Quo Vadis: "Zeppelin Party"

 

 

 

En France, en 1972, on faisait mieux que Led Zeppelin.

 

(Pas compliqué, rétorqueront les fidèles lecteurs dont nous partageons les goûts. Ayez cependant l'obligeance de ne pas désamorcer notre phrase d'accroche.)

 

« WWWwaaaaooOOUwwwaaaaoumMm LED ZEPPELIN !!! WOCKENWOLLE !!! »

 

On faisait mieux, parce que pour accompagner Led Zeppelin, on avait Serge Gainsbourg et les rimes riches de son phrasé au textualisme lysergique. (Et si ce n'étaient pas eux en personne, alors ce devaient être leurs frères.) Fantasme? Non, réalité: ça s'appelle « Zeppelin Party » et c'est un énorme tube de heavy-disco rimbaldien.

 

« Deux guitares... Une longue plainte... Une étreinte... Des coups par millards... Vous explosent au coeur à grande dose... »

 

Rares sont les hommages ou les pastiches qui surclassent les originaux. La compagnie à Jimmy Page a-t-elle jamais enregistré riffs aussi fougeux, rauques, serrés, et wah-wah si miaulantes; nous a-t-elle jamais emportés dans une telle tornade funky de hard rock calamistré?

 

« Les accents du rock... La démence en hurlant... Déchaine la violence »

 

Défi, hénaurme gag, exercice de style? L'ambiguïté est reine, qui ne contribue pas peu à la réussite. Mais une part de mystère se dissipe vite, si l'on prend garde que derrière ce nom éphémère de Quo Vadis se dissimulent des individus qui sont tout sauf des béjaunes: Serge Doudou et Jean-Pierre Hipken, artisans quelques années plus tôt d'un des tout meilleurs (le meilleur?) groupe de beat français, les ex-Gyspys, auteurs du formidable «Prolétaire».

 

« Un garçon voudrait s'éveiller... Et dire Non aux Réalités »

 

« Zeppelin Party » confère tout son sens au concept d' «exception française» et servira de bande-son idéale à tous les apprentis contestataires malodorants et poilus s'il en est encore, ou à tous ces galopins persuadés que l'existence est ailleurs, et avides de guincher tout en combattant l'aliénation idéologique de l'ordre bourgeois. Les yeux bien écarquillés sur des visions d'un autre monde, ils enroberont leur anarcho-samedi soir dans les virevoltes torrides d'un rock assonancé.

 

« AU SECOURS J'AI BESOIN D'AMOUR »

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

A écouter:

 

Trois quarante-cinq tours sont à recenser entre 1970 et 1974. On aurait aimé chanter aussi fort leurs louanges, mais il faut bien convenir que rien chez Quo Vadis n'égale la fantaisie de «Zeppelin Party», simple face B du deuxième (comme souvent chez les Français, c'est là que se cachent les pépites). Les autres chansons sont d'agréable facture, les parties de guitares parfois très bonnes, mais les lignes de chants en français évoqueront sans doute trop la variété pour le rockeur impénitent.

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 14:21

Dans les caveaux du Fuzz
  Seconds couteaux et perles de série B 

 

 

French Freaks, épisode 1

Schizo : "Schizo And The Little Girl"

 

 

 

Et si Lemmy avait chanté pour un groupe psych-funk freak-glam-spatial-sex-bubblegum? Alors, à n'en pas douter, son organe rauque aurait émergé des cercles ophidiens d'une wah-wah claustrophobe. Un rythme deleuzien brosserait ses camaïeux viraux par-dessus le canevas noueux d'une basse organique (voire intestinale). Ce trip interlope se concluerait en non-tube fiévreux dans les profondeurs d'un hit-parade mao-spontex. C'est un comble: à la fois grouvy et résolument anti-psychiatrique, Schizoexiste. Il fallait qu'il fût français.

 

Dans sa soixante-huitarde et folle jeunesse, l'allumé électronicien Richard Pinhas arborait une touffe afro hendrixéenne digne de notre plus grand respect. Entre deux baudrillarderies, il participait à un groupe de blues de fac aux côtés de la future voix de Magma, Klaus Blasquiz. Avant de sombrer sans rémission dans l'avant-garde, il a eu le temps de réunir quelques étudiants nanterrois tout aussi éminement soupçonnables que lui de gauchisme sonore, s'auto-proclamant SCHIZO, et de sortir un 45 tours auto-produit et anti-institutionnel qui atteint une forme de perfection dans le heavy-freak bien de chez nous.

 

Par la suite, il lira Norman Spinrad, fera des tas de choses passionnantes dans le domaine de la prospective électronicophile et du rhizomatique, plongeant quantités de visionnaires, dont M.G. Dantec, dans de longues extases ; autant de chapitres qui ne nous concernent guère. Nos petits corps-sans-organes s'ébroueront donc plus volontiers sur ces fleurons de contre-culture vicelarde que sont « Schizo... » et sa face B tout aussi fantastique pour la simple raison que c'est à peu près le même morceau, joliment et adéquatement titrée « Paraphrenia Praecox ».

 

 

 

« Schizo And The Little Girl »:


 

 

« Paraphrenia Praecox »:


 

 

Le mythique et gratuit « Le Voyageur », Nietzsche aux lyricset Gilles Deleuze à l'anti-chant:


 

 

 

 

 

A écouter :

 

Deux 45 tours culturels, introuvables et indispensables, « Schizo/ Paraphrenia Praecox » et « Le Voyageur ». Les aventuriers plus courageux et moins flemmards que votre rédacteur de PlanteGong se renseigneront avec profit sur Heldon, projet majeur et influent de Richard Pinhas.

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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 13:30

Air - Le Voyage dans la Lune

Air -

Le Voyage dans la Lune

(EMI 2012)

 

 

Retour aux sources pour Air ? Presque 15 ans après son safari lunaire, le duo repart en expédition vers le satellite naturel de la Terre, avec pour mission cette fois d'illustrer la version restaurée du Voyage dans la Lune, film muet de Georges Méliès réalisé en 1902.

 

Bien sûr on ne peut réellement parler ici d'album, tant la musique est conçue pour accompagner le film et se calque sur le rythme des images de Méliès. Néanmoins, on se souvient qu'en 1999 Air avait réalisé avec brio la mise en musique de Virgin Suicides avec une BO floydienne, un des plus beaux exercices de style de mémoire de cinéphile : détaché du film, l'album s'écoutait admirablement bien et reste aujourd'hui une des toutes meilleures choses conçues par le duo. C'est pour cette raison qu'on attendait beaucoup de cette nouvelle commande. Nicolas Godin et Jean-Benoit Dunckel, dont les dernières productions n'avaient guère convaincu, allaient renouer avec des thèmes qu'ils maîtrisent : le cinéma et l'espace.

 

L'idée géniale d'Air sur cet album est de ne pas avoir cédé à la tentation du classicisme. Monument du cinéma de science-fiction, Le Voyage dans la Lune échappe au déluge de cordes et d'orchestrations lourdes qui accompagne la plupart des bandes originales actuelles. Pour la première fois depuis longtemps, Air remet le nez dans ses racines électroniques, bidouille, ferme la lounge à clef et surprend. La tendance opérée sur quelques morceaux du dernier opus (tel "Do The Joy") se confirme ainsi, et le fait que le duo s'abstient de chanter (à l'exception notable de "Seven Stars") ne rend les choses que meilleures.

 

Malgré ce retour aux sources, Air ne propose pas un réchauffé de la recette rétro-futuriste de Moon Safari. Le groupe ne s'appuie plus sur une basse sous-marine pour faire rebondir ses arpèges mais propose une approche plus funky : certains breaks appuyés ont un côté hip-hop (comme ces cuivres lourds sur "Astronomic Club"), et le groove minimaliste de "Sonic Armada" rappelle Gorillaz le temps d'une pulsation de basse. Ce morceau qui grince de blips électroniques dissonants voit Air s'aventurer dans des territoires qu'on ne l'avait plus vu arpenter depuis Premiers Symptômes. Même chose pour "Parade" à la tessiture électronique presque 8-bit qu'on aurait bien vu illustrer un beat' em up à l'ancienne sur borne d'arcade tel Double Dragon.

 

Évidemment, l'album contient nombre de morceaux planants un peu longuets (c'est la plaie de la plupart des BO) mais Air réussit à les intégrer de façon organique sur le disque, qui ne dure finalement que 30 minutes (soit le double de la durée du film, où les titres sont parfois tronqués). On s'ennuie en somme assez peu au cours de cet album où Air réussit doublement la commande qui lui avait été passée, à savoir illustrer de façon convaincante le film de Méliès et composer un album qu'on aurait envie de réécouter ensuite. C'est chose faite. Bravo messieurs.

 

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1- Astronomic Club *
2- Seven Stars
3- Retour Sur Terre
4- Parade *
5- Moon Fever
6- Sonic Armada *
7- Who Am I Now ?
8- Décollage
9- Cosmic Trip
10- Homme Lune
11- Lava *

 

 

 

 

Vidéo :

 

Le film :

 


 
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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 06:15

Sébastien Tellier - My God Is Blue

Sébastien Tellier -

My God Is Blue

(Record Makers 2011)



Après les vastes domaines de la politique et de la sexualité, c'est un Sébastien Tellier en pleine crise mystique qui offre sa vision toute personnelle de la spiritualité. Avec cet album qu'il aurait aussi bien pu nommer "Religion", Tellier joue au gourou de pacotille et se présente comme le prophète du message bleu, dont "My God Is Blue" serait une sorte de Bible.

 

Autour de ce concept abscons, l'artiste développe une musique électronique dans la lignée de celle de Sexuality et déroute encore une fois par certains choix esthétiques. Porté par son amour des synthés laids estampillés années 80, Tellier convainc dans sa capacité à créer des environnements sonores apaisants ("The Colour Of Your Mind", "Sedulous"), mais n'évite pas une certaine lourdeur (notamment sur "Russians Attractions"), le pire (ou le meilleur ?) étant atteint avec le disco plastique de "Cochon Ville", digne du générique d'un nanar des années 80 façon Mon gourou chez les Thaïlandaises.

 

A trop jouer la carte de l'absurde et du décalage permanent, Tellier devient insaisissable au point qu'on ne sait plus si sa production grandiloquente (beats appuyés, cloches, orgue de cathédrale, guitares baveuses…) est une pose ironique ou un vrai hommage au premier degré. Doit-on s'émerveiller de la mélodie douce de "My God Is Blue" ou se gausser de ses trompettes jouée au synthétiseur ? On penche pour rapidement pour la deuxième option.

 

En jouant la carte de la surenchère, Tellier se plante souvent, si bien qu'en dehors de la fragile "Magical Hurricane", l'album manque de moments de grâce. In fine, c'est le délire new age de "Pepito Bleu" qui finit par rester en tête, par sa mélodie simple et son charlatanisme assumé. Troublant. Dieu que L'Incroyable Vérité est loin...

 

 

 

 

Tracklisting :

 

01. Pepito Bleu *
02. The Colour Of Your Mind
03. Sedulous
04. Cochon Ville
05. Magical Hurricane *
06. Russian Attractions
07. Mayday
08. Draw Your World
09. My Poseidon
10. Against The Law
11. My God Is Blue
12. Yes It's Possible

 

Le site de l'Alliance bleue

 

 

 

 

Vidéos :

 

"Pepito Bleu"


 

"Cochonville"


 
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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 13:48

Wizzz! Volume 2

Wizzz! Volume 2

(Born Bad Records ; 2008)

 

 

Résumé de l'épisode précédent : ignorant – comme souvent – toute notion morale, la rédaction PlanetGong a profité de la réédition du premier volet de la compilation Wizzz! pour consacrer quelques lignes à la présentation de ces deux excellents disques. Encore qu'une telle vilénie soit monnaie courante sur ce site, je m'interroge : jusqu'où s'arrêteront-ils ? Je ne le sais ni. Quoi qu’il en soit, voici la présentation du second volume de cette compilation.

 

Sept ans après la sortie de Wizzz!, la suite de cette compilation est publiée, toujours sous la direction de J-B Guillot, le patron de Born Bad Records. Bien que la période traitée soit plus ou moins la même – le titre du disque est même complété au dos par le commentaire suivant « Psychorama français 1966-70 » -, cette compilation est sensiblement différente de la première ; le choix des titres paraît en effet plus personnel et semble également moins évident. Le fortement improbable Philippe Nicaud se voit donc accorder une place particulièrement importante : après « Cuisses nues, bottes de cuir » (sur le premier Wizzz!), un autre morceau de son album Erotico-Nicaud est présenté (« Bonne nuit Chuck »). Nicaud apparaît aussi sur « J’aime ou j’emm… », la chanson qui ouvre ce disque, écrite en collaboration avec Guy Skornik.

 

Wizzz! volume 2 présente aussi quelques chansons reflétant la tendance fréquente dans le rock français à la parodie ou à la pochade (le premier volet présentait l'imitation de Brigitte Bardot par Monique Thubert, ce disque comporte « Amstramgram » chanté par une fillette, Isabelle. La formidable chanson « Qu'est-ce qui ferait plaisir à papa? » de Michel V aurait eu sa place sur ce disque (peut-être apparaîtra-t-elle sur le volume 3 ?). Quelques pistes réunies ici utilisent de la même façon (peu convaincante) la « révélation » surprenante en fin de chanson : « Un soir d’été », de Nelly Perrier et « Bonne nuit Chuck » de Philippe Nicaud.

 

Même une piste aussi brillante que celle du Bain Didonc (« 4 Cheveux dans le vent ») est basée sur un jeu de mots peu subtil et intègre à un de ses couplets un accent plouc qui n’apporte rien au morceau (et qui sera un argument de plus pour la dénigrer). Une fois de plus, Richard Bennett est derrière le groupe, qui a enregistré sous des noms divers (dont les Piteuls et les Papyvores). Autre exemple de ces gauloiseries, le dialogue de « Je t’aime normal » par Jean et Jeanet , où l’accompagnement musical exceptionnel malheureusement presque relégué au second plan, derrière le dialogue une nouvelle fois potache et un peu idiot.

 

Heureusement, mis à part ce point parfois un peu agaçant, quelques-unes des pistes de cette compilation sont parfaitement exceptionnelles : ainsi, la phénoménale « Herr Doctor Reich »,  des Zorgones (dont plusieurs membres ont fondé quelque temps plus tard Magma), ou le rock’n’roll direct et revendicatif de « Maintenant je suis un voyou » (Bruno Leys). L’excellente chanson « Je suis une inadaptée » (de Brigitte Fontaine) suit un morceau prodigieux, deux minutes trente de fête totale « Dans son euphorie » du Chorus Reverendus. Cette chanson est le résultat d’une collaboration entre le fantasque Bernard Estardy et Germinal Tenas (à qui Jean-Bernard de Libreville, les Problèmes et Clothilde doivent quelques-uns ou la plupart de leurs chansons). Sur ces pistes, la qualité musicale est une nouvelle fois fantastique et le son est d'une expressivité incroyable. Ce deuxième volume, aux influences funky très présentes – notamment par la première et la dernière piste du disque – est aussi l’occasion de célébrer l’œuvre de l’unique Jean-Pierre Massiera, avec « L’électrocuté » de Jésus (!). Autre grand moment du disque, « KKK » de Serge Franklin réunit des éléments divers (boucle de guitare basse, bruits de chaînes, impromptus d’orgue…) pour accompagner la narration d’une réunion du Ku-Klux-Klan.

 

  Wizzz! volume 2 réussit à poursuivre avec brio l’exploration des à-côtés de la scène française établie, en offrant un regard particulièrement intéressant sur cette époque marquée par l’avènement des Beatles et des Rolling Stones en Angleterre, de Bob Dylan et des Beach Boys aux Etats-Unis, et de Johnny Halliday et de la vaguelette yéyé en France.

 

 

 

 

 

 

 

Liste des chansons :

 

Face A :

  1. San Antonio – J'aime ou j'emm...

  2. Jean et Janet – Je t'aime normal

  3. Bruno Leys – Maintenant je suis un voyou

  4. Guy Skornik – Des arbres de fer *

  5. Chorus Reverendus – Dans son euphorie *

  6. Brigitte Fontaine – Je suis inadaptée *

  7. Philippe Nicaud – Bonne nuit Chuck

 

Face B :

  1. Zorgones – Herr Doctor Reich *

  2. Jesus – L'électrocuté

  3. Bain Didonc – 4 Cheveux dans le vent *

  4. Alain Boissanger – Crazy girl crazy world

  5. Serge Franklin – KKK *

  6. Isabelle – Amstramgram

  7. Bruno Leys – Hallucinations

  8. Nelly Perrier – Un soir d'été

 

 

 

 

Vidéos :

 

Zorgones - Herr Doctor Reich

 

Bain Didonc - 4 Cheveux dans le vent

 

Guy Skornik - Des arbres de fer


 

 

 

 

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 00:58

Sudden Death Of StarsSudden Death Of Stars -
Sudden Death Of Stars

(Close Up 2011)

 

 

La pochette est superbe, le nom du groupe intriguant, et les dix morceaux que contient cet album évoquent une troupe de spationautes californiens gobant des sucres dans les chaudes nuits de San Francisco que décrivait Eric Burdon. C'est pourtant d'un autre far west que viennent les excellents Sudden Death Of Stars, de Rennes plus précisément, où la scène musicale semble plus dynamique que jamais en ce moment. Le groupe avait forte impression en début d'année avec un premier EP psychédélique qui dévoilait une belle palette de possibilités : entre ballades à la Brian Jonestown Massacre, trips sitaristiques et morceaux à la rythmique trippante, le groupe montrait alors un gros potentiel.


Leur album, toujours publié par les excellents Close Up fait étrangement abstraction des morceaux de l'EP (pourtant "Don't" ou "Whirligig" n'auraient pas fait tâche dans cette collection) et l'orientation du groupe semble désormais se concentrer sur ses titres les plus planants. D'où le seul reproche qu'on ferait à cet album : sa trop grande linéarité. Là où le premier EP du groupe surprenait par sa variété et la diversité de ses morceaux, l'album repose trop souvent sur la même formule et manque parfois de nerf (rendez nous "Uniforms" !). Pourtant "Supernovae" est le morceau d'ouverture idéal : sur une rythmique martiale qui sonne comme un appel aux armes, les instruments se superposent les uns après les autres, jusqu'aux voix des musiciens en chœur. Cet enchaînement magnifique lance l'album de la meilleure des manières et les morceaux s'enchaînent ensuite, tous mélodiques et immédiats, à l'image de la ritournelle "Free & Easy", irrésistible en tous points… ou presque. Car il apparaît très vite au cours de l'album que le groupe manque d'un véritable chanteur à la personnalité forte (un sentiment qui s'est d'ailleurs confirmé ensuite quand on a vu le groupe sur scène, malgré quatre chanteurs différents).


Les formidables ballades psyché que sont "I'll Be There" ou "Goodbye" n'en pâtissent que très peu, les mélodistes excellant dans le registre le plus calme et délicat. Non, c'est plutôt dès que le morceau nécessiterait un frontman un peu poseur et frondeur que le groupe touche ses limites. Le morceau "Two", voisin de ce que peut produite un groupe tel que The Dolly Rocker Movement, aurait gagné à être chanté par un chanteur aussi flamboyant que Daniel "Dandy Lyon" Poulter, l'excentrique leader de ces derniers. Peut-être qu'avec un peu plus de bouteille et l'assurance apportée par les concerts à venir, un véritable leader se révélera parmi les membres de Sudden Death Of Stars. Pour l'instant, leur relative timidité ne nuit que très peu à cet excellent album au son superbe, dans lequel chaque morceau est meilleur que le précédent, et qui reste une belle réussite.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. Supernovae *

2. Free & easy *
3. I'll Be There
4. Two 
5. Song For Laika
6. Goodbye 
7.Deeds Beyond The Hints *
8.Chilling Out A Set Time
9. I'm Not Among Believers

 

L'album est en écoute et en téléchargement gratuit via Bandcamp:

 

 

 

 

 

 

Vinyle :

 

Sans doute la plus belle pochette de l'année 2011.

 

Sudden Death Of Stars

 

 

 

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 20:12

The Norvins - Yoga With Mona

The Norvins -
Yoga With Mona

(Soundflat ; 2011)

 

 

    Cet album à la pochette discutable mais facilement reconnaissable est un disque produit par un groupe parisien qui ne chante qu’en anglais des morceaux efficaces et immédiats. Le deuxième album des Norvins contient seize chansons extrêmement courtes (elles dépassent rarement les deux minutes trente !), pour une durée totale de 35 minutes. Pour composer sa musique et ses chansons, le groupe puise son inspiration dans le garage sixties nord-américain : l’auditeur peut facilement se croire en présence d’une des multiples compilations qui, après avoir été le graal d’un petit nombre d’amateurs pendant quelques décennies, se voient dotées d’une nouvelle vie et d’une diffusion incomparable grâce à Internet.

    Publiés par l’excellent label Soundflat, les Norvins justifient le soutien du label à chaque instant du disque : l’orgue farfisa est omniprésent, et ne se positionne au second plan que pour laisser place à une ligne de basse mémorable (« Scream & Shout ») ou à quelques envolées de guitares remarquables, toujours concises mais très efficaces. Difficile de faire la différence entre les compositions du groupe, très homogènes, et la relecture parfaite du morceau des Texans The Gentlemen (« It’s a crying shame »), tant les Norvins maîtrisent leur sujet ici. Chaque élément est à sa place pour produire l’effet voulu : un disque de rock’n’roll dynamique et dansant, qui apporte un peu de vitalité à la scène française contemporaine.

    Même s’il possède quelques défauts (des chœurs parfois un peu rigides, un chant parfois un peu limité), Yoga with Mona est un très bon disque, un album attachant, et l’exemple typique du genre de disques que l’on aimerait voir plus souvent publiés par des groupes français. A n’en pas douter, les Norvins sont munis d’une culture musicale énorme et de capacités d’instrumentistes très au-dessus de la moyenne ; ce qui est plus remarquable encore est qu’ils parviennent à honorer leur genre musical de prédilection avec aisance et brio : ce disque laisse présager de concerts mémorables

 

 

 

 

Liste des chansons :

1.    Waste of Time
2.    You know what
3.    Monk’s hangover
4.    Hate to be your man
5.    You can’t comin
6.    Dirt is better
7.    It’s a crying shame
8.    Scream and Shout
9.    Dead Zone
10.    Keep me posted
11.    Back to you
12.    Need somebody
13.    Yoga with Mona
14.    Why you lie
15.    Better off dead
16.    Inside you

 

 

 

 

Vidéos :

 

"Keep Me Posted"


 

"Better Off Dead"


 

 

 

 

Vinyle :

 

The Norvins - Yoga With Mona

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 07:17

colette.jpgColette Magny -
Colette Magny EP

(CBS ; 1963)

 

 

    Cet EP quatre titres (ou « super 45 tours ») est le premier disque de la carrière de Colette Magny, une des rares chanteuses françaises dont la l’expressivité de la voix est comparable à celle des plus grandes chanteuses américaines. Le disque commence par un morceau très dansant, un standard du jazz dixie-land, « Basin’ Street Blues », popularisé par Louis Armstrong à la fin des années 1920. L’accompagnement musical de la version de Colette Magny est impressionnant, et laisse la part belle à l’orgue – joué par Georges Arvanitas. La chanson suivante, « Co-opération » est un exemple de la qualité de composition et d’interprétation de Magny et des musiciens qui l’accompagnent.

    Cet EP a valu à Colette Magny un succès immédiat, en raison de « Melocoton », la chanson qui ouvre la face B. Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette chanson, sa découverte sera un choc : paroles tristes et naïves, accompagnement musical dépouillé à l’extrême… La voix de la chanteuse se révèle incroyablement saisissante et poignante, et d’une beauté douloureuse qui ne peut que marquer l’auditeur pour longtemps. « Melocoton » a toujours été la chanson la plus connue de Colette Magny, au point de reléguer au second plan ses compositions plus « sérieuses » et engagées, quelques années plus tard : Magny refusa longtemps d’interpréter « Melocoton » en concert, préférant privilégier des « chansons à textes » et expliquant au public « Melocoton est mort au Viêt-Nam. »

    Pour achever cet exceptionnel EP, Colette Magny rend une interprétation parfaite de « Nobody knows when you’re down and out », qui sera repris et adapté en français quelques années plus tard par Nino Ferrer sous le titre « Le Millionnaire ». A présent que Colette Magny est quasiment tombée dans l’oubli, il est probable que la meilleure méthode pour se procurer ce 45 tours est de fouiller dans les vide-greniers, les marchés aux puces et les brocantes.

 

 

 

Liste des chansons :

Face A :
Basin’ Street Blues * (Spencer Williams)
Co-opération * (Colette Magny)

 

Face B :
Melocoton * (Colette Magny)
Nobody knows you when you’re down and out (Ida Cox)

 

 

 

 

Vidéo :

 

"Melocoton"


 

"Nobody Knows When You're Down And Out"


 

 

 

 

Vinyle :

 

COLETTE MAGNY EP

 

COLETTE MAGNY EP

 

 


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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 16:40
wizzz.jpgWizzz! -
Vol. 1 

(Born Bad Records ; 2001)

 

 

La réédition récente du premier volet des deux compilations Wizzz! est un bon prétexte pour évoquer ces deux excellents disques, réalisés à quelques années d'intervalle par J-B. Guillot, patron du label parisien Born Bad. Chanceux lecteur, voici le premier des articles consacrés à la compilation Wizzz!

 

Le concept du premier disque est à la fois simple et renversant, puisqu’il offre l'occasion de découvrir de nombreux artistes francophones qui avaient été jetés depuis longtemps aux oubliettes de l'histoire musicale. Au moment où est sorti le disque, le patrimoine rock’n’roll français des années 1960 était encore largement ignoré (oui, encore plus qu’aujourd’hui). Qui pour représenter des artistes francophones rock'n'roll excitants des années soixante ? Bien sûr, Gainsbourg, Dutronc (et, dans une moindre mesure, Nino Ferrer) sont les valeurs sûres, celles vers lesquelles on peut se retourner en toute confiance, mais où regarder ailleurs ? Cette compilation est capable de remplacer le disquaire compétent que vous rêveriez d’avoir en bas de chez vous : il peut faire office de disque de référence pour de nombreux fans de rock français, et devenir celui à partir duquel les recherches vont pouvoir commencer.

 

Wizzz! est un LP d'une qualité impressionnante, et le moyen de découvrir des pistes fantastiques: sur les quatorze chansons compilées ici, la plupart sont de véritables pépites. A la première écoute, l’impression dominante est un choc : le son est délirant de précision, d'ampleur et de maîtrise… Les artistes qui enregistraient ces morceaux n’avaient rien à envier à leurs homologues anglo-saxons ; et l’on se pose encore la sempiternelle question : pourquoi le rcck’n’roll n’a-t-il jamais été adopté en France ? Trop d'éléments jouaient en défaveur de cette scène, née avec un léger temps de retard par rapport aux anglo-saxons et confrontée aux réactionnaires de tous poils. Anti-américanisme, anglophobie, critiques faciles sur les textes des chansons ou le style des artistes… Il est évidemment facile de s’attaquer aux paroles des morceaux (selon le point de vue que l'on choisira, elles seront qualifiées de naïves, de pauvrement surréalistes ou d’absurdes), de dénoncer les références explicites aux drogues (« A dégager », « La drogue »), les néologismes assez risibles (« Le Papyvore ») , le dialogue minimaliste et crétin de « Bernadette », les soupirs érotiques (« Avec les oreilles », « Cuisses nues, bottes de cuir ») : tout cela était parfaitement impensable à défendre, sous le ciel toujours bleu de la France Degaullopompidolienne. Près d’un demi-siècle plus tard, nous souffrons encore des conséquences de cette cabale : une scène francophone lamentable, empêtrée dans la variété, et un rock’n’roll voué à évoluer dans l’anonymat le plus complet, à de trop rares exceptions près.

 

La face A de Wizzz! s’ouvre sur une chanson joyeusement antiféministe (et chantée par une femme, comme il se doit) : « Les filles, c’est fait pour faire l’amour », où Charlotte Leslie égraine les problèmes existentiels d’une femme moderne, avant de conclure de façon assez surprenante. L’enchaînement des deux premières pistes est particulièrement brillant, avec l’arrivée de « Rouge Rouge » dont le rythme effréné accompagne le chant de Christine Laumier. L’ensemble de la face A démontre l’excellence de quelques uns des artistes de cette scène, capables de rivaliser avec n’importe lesquels de leurs homologues anglo-saxons – ce qui était leur but avoué – et de livrer des chansons fantastiques : « Exitissimo » de William Sheller est ainsi une révélation, tout comme les morceaux les plus célèbres des Fleurs de Pavot (dont nous reparlerons prochainement) et des Papyvores, respectivement « A dégager » et « Le Papyvore ». Le son est impressionnant, les solos (guitare ou orgue) sont brefs et originaux, et si le style est évidemment à rapprocher de l’ensemble pop, il faut constater une remarquable inventivité générale et un enthousiasme quasiment tangible.

 

Après une première partie aussi impressionnante, qu’attendre de la suite du disque ? A peine le temps de se poser la question, de retourner le vinyle, et la face B commence sur des bases incroyables avec une chanson géniale signée Stéphane Varègues : « Le Pape du Pop », qui raconte les aventures d’un dandy atypique, le héros éponyme de la chanson, sur une musique à la basse bondissante et aux arrangements (violons et chœurs) impeccables. Le disque rend ensuite hommage à la collaboration entre Messieurs Richard de Bordeaux et Daniel Beretta, avec deux morceaux fantastiques. Le premier, « Psychose », évoque visions rimbaldiennes (« Elle s'appelle Psychose, la fille de mes nuits, elle saute sur mon lit, de sa langue de feu, me crache dans les yeux ») et angoisse œdipiennes sur une musique extraordinaire, alors que le deuxième (« La Drogue ») se déploie sur un rythme plus modéré, et bénéficie d’arrangements plus luxuriants et classiques. A n'en pas douter, les deux pistes sont marquantes, et leur présence ici est totalement justifiée.

 

Deux chansons aux interprètes féminines apparaissent sur cette face B : la première est une parodie de Brigitte Bardot par Monique Thubert « Les Oreilles » , et la seconde (« L’œil », de Bernadette) commence par une envolée de piano vite rejointe par une rythmique beat aux sons délirants, et reproduit une discussion minimaliste entre un vieil homme et une jeune femme. Le disque s'achève sur le délire érotique assez malsain de « Cuisses nues, bottes de cuir » de Philippe Nicaud. Cette chanson est issue de l'album Erotico-Nicaud sorti en 1970 et réédité en 2009), relativement célèbre pour ses paroles où l’homme exprime ses pulsions animales en contemplant une femme « Toi tu t'en fous… de leurs soupirs / Mais un beau jour, prends garde à toi / C'est un bourgeois devenu Borgia / Qui te clouera entre ses bras. »

 

En à peine plus d’une douzaine de chansons, Wizzz! a fait ce qu’aucune compilation n’avait fait avant elle : donner sous une forme compacte un regard sur une scène à l’époque méprisée, et rendre possible à ses auditeurs d’immenses découvertes musicales. Pour cela, Wizzz! reste le disque de référence, et une compilation qui a fait date.

 

 

 

 

 

 

 

Liste des chansons :

 

Face A :

  1. Charlotte Leslie – Les Filles c'est fait pour faire l'amour

  2. Christie Laume – Rouge Rouge

  3. Les Fleurs de Pavot – A Dégager

  4. Danyel Gérard – Sexologie

  5. Richard de Bordeaux – Je m'ennuie

  6. Christine Pilzer – Champs Elysées

  7. William Sheller – Exitissimo

  8. Les Papyvores – Le Papyvore

Face B :

  1. Stéphane Varègues – Le Pape du pop

  2. Messieurs Richard de Bordeaux et Daniel Beretta – Psychose

  3. MoniqueThubert – Les Oreilles

  4. L'œil – Bernadette

  5. Messieurs Richard de Bordeaux et Daniel Beretta – La Drogue

  6. Philippe Nicaud – Cuisses nues, bottes de cuir

 

 

 

 

 

Vidéos :

 

Messieurs Richard de Bordeaux et Daniel Beretta – "Psychose"


 

Charlotte Leslie – "Les Filles c'est fait pour faire l'amour"


 

Philippe Nicaud – "Cuisses nues, bottes de cuir"


 

Christie Laume - "Rouge Rouge"


 
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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 05:17

Cheveu - 1000

Cheveu -
1000
(Born Bad 2011)

Enfer et damnation ! La fin d'année approche à grands pas et on n'a toujours pas évoqué le fabuleux deuxième album de Cheveu. Il faut croire que la hype – et la surprise de voir ce groupe méconnu soudain exposé dans tous les Télérama et Inrockuptibles – nous a lassé. Alors on a écouté cet album, en silence, on l'a apprécié, en attendant de retrouver l'envie d'écrire. En attendant que la rumeur se taise. En attendant qu'une baudruche occupe toute l'actualité et nous donne envie de revenir aux fondamentaux. Ces dernières semaines, le premier album de Wu Lyf nous a donné envie de nous replonger dans 1000. Quel antidote !

 

Raide, froide, dénuée d'emphase, toute en contrastes étonnants (qui aurait cru que boite à rythmes et violons se marieraient aussi élégamment ?), la musique de Cheveu provoque des sentiments ambivalents. De la répulsion initiale provoquée par certaines ambiances malsaines ("Sensual Drug Abuse", "Push Bush In The Bush Bush", "The Return Game") jusqu'à une forme d'épiphanie guidée par l'évidente splendeur de morceaux hors-catégorie ("Quattro Staggioni", "No Birds"). Cheveu sait rendre sa musique inconfortable mais assez troublante pour qu'on se la repasse en boucle (l'improbable reprise de "Ice Ice Baby", "Like A Deer In The Headlights"). David Lemoîne, à la voix rocailleuse, agresse verbalement, les guitares stridentes terrorisent, la rythmique métallique aliène l'auditeur de toute chaleur potentielle. Sur l'essentiel de 1000, Cheveu multiplie les brutalités dans un grand élan sadique, et fait mouche.

 

Du chaos orchestré par les trois musiciens naît une œuvre troublante, marquante. Le premier album de Cheveu avait révélé un groupe sans équivalent sur la scène hexagonale, prêt à prendre le pouvoir et à enterrer une fois pour toutes la médiocre scène pop-rock à la française sortie des beaux lycées du 6ème arrondissement. Leur second album marque leur couronnement. Ambitieux, dérangeant, fascinant, difficile : Cheveu a réussi un deuxième album encore meilleur que son superbe prédécesseur. Cheveu est LE groupe de rock'n'roll français qu'on a envie de suivre aujourd'hui.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1 – Quattro Stagioni *
2 – Charlie Sheen
3 – No Birds *
4 – Impossible Is Not French
5 – Sensual Drug Abuse
6 – Show!
7 – Ice Ice Baby 
8 – Push Push In The Bush Bush *
9 – Like A Dear In The Headlights *
10 – The Return Game
11 – La Fin Au Début
12 – My First Song
13 – Bonne Nuit Chéri

 

 

 

 

Vidéos :

 

"Charlie Sheen"

   
"Quattro Stagioni

 
Vinyle :

Cheveu - Mille
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