Pour ceux qui auraient encore la vieille version de PlanetGong dans leurs favoris :
PlanetGong a quitté Overblog (dont le service est de plus en plus calamiteux)
Retrouvez-nous ici :
Pour ceux qui auraient encore la vieille version de PlanetGong dans leurs favoris :
PlanetGong a quitté Overblog (dont le service est de plus en plus calamiteux)
Retrouvez-nous ici :
FUZZ
FUZZ
(In The Red 2013)
2013 était censée être l'année où Ty Segall prendrait une pause, celle du repos mérité après une précédente intense (trois albums, tournée ininterrompue) marquée par le décès de son père qui l'avait très affecté. Relocalisé à Los Angeles – à la fois pour se rapprocher de sa sœur et pour fuir les loyers invraisemblables de San Francisco –, Segall s'est pourtant aussitôt lancé dans de nouveaux projets. "Sleeper" d'une part, album acoustique solitaire dans lequel il a exorcisé sa peine, et FUZZ d'autre part, un power trio en forme d'exutoire dans lequel il se défoule sur son instrument favori : la batterie.
Formé à l'origine avec ses vieux potes Charlie Mootheart (guitariste des Moonhearts et du Ty Segall Band) et de Roland Cosio (ex-Epsilons, à la basse), FUZZ est le groupe heavy que vers lequel Segall tendait depuis Slaughterhouse et ses inflexions hawkwindiennes. Le premier album de ce groupe résolument heavy présente le temps de huit morceaux le lent décollage d'un vaisseau spatial lourd et monumental. Un disque hors du temps qui aurait pu sortir en 1971, fait de jams cosmiques et d'accélérations fulgurantes.
Ce faisant, Ty Segall s'affranchit du format pop dont il est pourtant friand. Certains s'en sont émus, à grands cris de "Où sont les chansons ???". On serait tenté de répondre : "Nulle part, mais c'est le but". L'an dernier, "Sleeper" était l'album à chansons de Segall, celui aux arrangements dépouillés permettant à Segall de mettre en avant sa voix et ses mélodies. FUZZ est tout l'inverse. La voix est noyée dans un torrent de décibels, la guitare de Charlie Moothart mène la danse et Segall frappe comme un forcené. Ici le groove est roi. Moothart tisse des riffs tortueux et lancinants que la section rythmique fait décoller lentement le long de jams psychédéliques.
Autant dire que l'amateur de space-rock en a pour son argent. Certains riffs entrent en tête dès la première écoute pour ne plus en sortir ("Sleigh Ride", "Loose Sutures") et quelques solos sont mémorables (mention spéciale à "What's In My Head"). Le grand final "One" et sa montée progressive reste un des grands moments de bravoure de l'année écoulée. Une vraie réussite donc, validée par des concerts renversants, immortalisés eux aussi par un album Live At San Francisco sorti sur Castle Face qu'on recommande aussi chaudement.
Tracklisting :
1 Earthen Gate
2 Sleigh Ride *
3 What's In My Head?
4 Hazemaze *
5 Loose Sutures *
6 Preacher
7 Raise
8 One *
Vidéos :
"Raise"
"One"
Vinyle :
Ty Segall
Gemini
(Drag City 2013)
Il semble que Drag City ait été pris d'un vent de panique au moment de faire la compta de sa trésorerie pour l'année 2013. Après examen des chiffres, le constat était formel : Ty Segall n'avait publié qu'un seul album sous son nom en cette année civile. Un album acoustique, en plus ! Il fallait rétablir cette anomalie au plus vite, qui à agir dans la précipitation et faire n'importe quoi. Début novembre, le label annonça ainsi la publication d'un album en édition ultra-limitée. Un album de démos du Twins de 2012 finement nommé Gemini. Ouf, l'honneur était sauf.
La seule chose que n'avait pas anticipé le gentil label, c'est que tout ce qui touche à Ty Segall vaut de l'or aujourd'hui, en particulier les éditions limitées. En moins de temps qu'il en fallait pour accoucher de l'idée idiote de Gemini, le disque était déjà sold out et mis aux enchères sur eBay pour des sommes extravagantes.
Vent de panique, rétro-pédalage : pour couper court à cette spéculation qu'il n'avait pas anticipée (peut-on être naïf à ce point?), Drag City décida alors de publier le disque à plus grande échelle. S'en suivirent évidemment les réactions outragées des spéculateurs pris à leur propre piège, et la colère des primo-acheteurs estimant la pratique peu fair-play (beaucoup avaient acheté le disque par panique de le voir disparaître vite).
On ne va pas vous mentir : cette décision ne fut pas pour nous déplaire. Parce qu'on estime qu'un disque, c'est fait pour être diffusé au plus grand nombre, pas pour rester sous blister sur les étagères d'une centaine de collectionneurs qui ne jugent les disques que par leur cote sur Popsike ou Discogs. Les éditions limitées sont une plaie. C'est le mal incarné. Un concept malhonnête qui finira par causer la mort du vinyle. C'est pourquoi on abhorre le Record Store Day et ses disques introuvables (un disque tel que Ty Rex n'aurait-il pas aussi mérité une sortie à grande échelle?) et qu'on préfère rester chez soi ce jour-là. Publier un disque à 300 exemplaires quand on sait que des milliers de personnes veulent l'acheter a quelque chose de criminel.
Bref, aujourd'hui Gemini se trouve dans toutes les crèmeries et s'avère sans grand intérêt. C'est un disque de démos, qui amuse cinq minutes parce qu'il permet de jeter un œil sur le processus d'écriture de Segall, mais rien ici ne mérite l'investissement. Le plupart des versions des morceaux sont proches à 90% du produit fini et ne s'n démarquent que par leur enregistrement de piètre qualité ("Thank God For Sinners", "You're The Doctors"). Les seules pistes dignes d'intérêt sont celles tirées de premières sections acoustiques car elles diffèrent vraiment de leur version définitive ("The Hill", "Would You Be My Love", "They Told Me Too"). C'est maigre.
Tracklisting :
1 Thank God For Sinners
2 You're The Doctor
3 Inside Your Heart
4 The Hill
5 Would You Be My Love
6 Ghost
7 They Told Me Too
8 Handglams
9 Who Are You
10 Gold On The Shore
11 There Is No Tomorrow
Vidéo :
"Would You Be My Love"
Vinyle :
Black Lips
Underneath The Rainbow
(Vice 2014)
Arabia Mountain, le dernier album des Black Lips avait fait l'objet d'une polémique un peu vaine. Certains puristes à la noix prétendaient que le groupe s'était perdu en enregistrant avec Mark Ronson (producteur notamment d'Amy Winehouse), occultant par là même qu'il y avait bien longtemps que le groupe d'Atlanta n'avait plus rien d'underground ni de lo-fi, oubliant surtout que l'album contenait une demi-douzaine de pépites garage superbes ("Modern Art", "Go Out And Get It", "Family Tree" parmi elles).
Quand les premiers morceaux d'Underneath The Rainbow ont été présentés au monde au compte gouttes, on a vu ressurgir le même genre de commentaires définitifs sur les réseaux sociaux. "Boys In The Wood", avec son tempo lent, son rythme lancinant, ses cuivres (et accessoirement son clip vidéo délirant) n'avait pas plu aux gens qui n'aiment des Black lips que leurs morceaux les plus enlevés (sans doute plus adaptés aux invasions de scène pour lesquelles ces derniers se déplacent à leurs concerts).
Honte à eux ! Car outre le fait d'être un des groupes les plus doués dans le registre du rock garage psychédélique d'inspiration sixties, les Black Lips sont de grands connaisseurs de la musique américaine. Depuis leurs débuts, ils n'ont cessé d'élargir leur horizons, abreuvant leur flower punk de country, de gospel, de surf music et de folk-rock byrdsien. Enregistré par Patrick Carney des Black Keys, Underneath The Rainbow témoigne encore de cet éclectisme, confirmant au passage que les Black Lips ne sont plus à proprement parler un groupe garage.
Bien sûr, on retrouve ici quelques pépites de 2 minutes 30 typiques du groupe , telles "Smiling" chantée par Jared Swiley' ou "Dorner Party" par Cole Alexander, mais le groupe continue tranquillement à tenter de nouveaux trucs, comme ce blues déviant sur "Funny" ou ce "Dog Year" à la couleur glam. Dans un registre moins surprenant, "Drive-By Buddy", le morceau d'ouverture de l'album, est un mélange subtil de "Last Train To Clarksville" des Monkees et de "Bye Bye Love" des Everly Brothers. Deux influences qu'on n'aurait pas forcément associé aux Black Lips jadis.
Une fois n'est pas coutume, l'album est plutôt court (douze morceaux contre les seize habituels) et ne contient pas de vrai tube immédiat. Malgré tout, ce Underneath The Rainbow est un album solide, où une fois de plus les Black Lips parviennent à surprendre et émerveiller. Après quinze ans de carrière, les sales gosses du rock américain sont toujours verts et prêts à en découdre. Surtout, ils prouvent - si besoin était - qu'ils sont bien un des plus grand groupes américains en activité.
Tracklisting :
1 Drive By Buddy *
2 Smiling *
3 Make You Mine
4 Funny
5 Dorner Party *
6 Justice After All *
7 Boys in the Wood *
8 Waiting *
9 Do the Vibrate
10 I Don't Wanna Go Home
11 Dandelion Dust
12 Dog Years *
Vidéos :
"Boys In The Wood"
MGMT
MGMT
(Columbia 2013)
Il y a deux sortes de personnes qui apprécient MGMT : les amoureux de la première heure, pour qui "Time To Pretend" et "Kids" sont des classiques immortels de la pop contemporaine, que l'album Congratulations avait un peu désarçonnés. Et puis il y a les fans tardifs, ceux qui avait observé l'emballement de la presse et du public pour Oracular Spectacular d'un œil un peu circonspect mais lui reconnaissaient quelques mérites. Des gens tombés amoureux de MGMT avec Congratulations, disque aventureux empli de milliers de bonnes idées et de quelques grands morceaux ("Flash Delirium", "I Found A Whistle", "Song For Dan Treacy"). Pour son troisième album, MGMT a réussi à mettre ses deux publics sur la même longueur d'onde. Belle performance sauf qu'en l'occurrence c'est parce que le disque est unanimement reconnu comme une vaste foirade.
Il faut dire que Ben Goldwasser et Andrew VanWyngarden y sont allés fort pour ce disque officiellement sans nom, que certains appellent déjà Stylz Unlimited d'après la pochette. Voici un disque dans lequel on éprouve des difficultés à discerner la moindre véritable mélodie, où les effets spéciaux omniprésents viennent plus polluer les morceaux que les enrichir, où le groupe ne trace aucune ligne de conduite claire.
Autant dire que pour le grand public, c'est mort. On peut même parler de suicide commercial. Congratulations était déjà trop perché pour l'auditeur occasionnel, alors tenter de faire avaler des trucs tels que "Your Life Is A Lie" ou "I Love You Too, Death" à des gens qui écoutent Arcade Fire dans leur autoradio revient à vouloir faire danser des gens sur des compilations de Moog le soir du nouvel an (bide assuré, même chez des gens de qualité, croyez-nous).
Le problème dans tout cela pour MGMT, c'est que même l'amateur de space-rock, de bizarreries électroniques ou de rock déviant à la Butthole Surfers ne trouvera pas ici son compte. Car malgré la profusion de gimmicks bizarres, le son de l'album est finalement peu aventureux (en tous cas pas plus que le dernier Flaming Lips ou n'importe quel publication de Timmy Vulgar). Quitte à faire plaisir aux freaks, on aurait aimé que le disque soit un peu plus barré, plus radical.
Ici le groupe essaie d'osciller entre mélodies étranges et morceaux far-out, mais le mélange ne convainc pas vraiment. Les titres supposément planants ne décollent pas ("An Orphan Of Fortune", "A Good Sadness", "Astro-Mancy" sans intérêt), et l'album ne tient finalement que par les trois ou quatre mélodies identifiables qu'il contient : "Alien Days" avec son intro chantée par une jeune fille et son solo de flute à bec, le voyage cosmique de "Mystery Disease", "Introspection" et ses arrangements rétro-futuristes, la jolie bluette déglinguée de "Plenty Of Girls In The Sea". Les autres morceaux, censément perchés, déçoivent par leur manque de scope. Qu'y a-t-il d'outrancier dans un truc tel que "Astro-Mancy" ? Pas grand-chose. On a déjà entendu mille fois ce genre de morceaux synthétiques vaguement atmosphériques. Bien sûr le fan de "Kids" sera décontenancé, mais quitte à le faire, autant choquer avec un bon morceau...
Difficile de comprendre ce que MGMT a voulu faire avec cet album. S'aliéner le grand public ? C'est sans doute mission réussie, mais à quoi bon ? Pour satisfaire les fans de musique bizarre et déglinguée ? Non. Le disque est bien trop sage, et MGMT, qui nous avait habitué à des moments de bravoure mémorables (cf "Siberian Breaks"), semble plutôt utiliser son arsenal de joujoux de studio comme un cache-misère à un manque d'inspiration. "MGMT" n'est ni le désastre annoncé par une grande partie de la critique, ni le chef d’œuvre incompris décrit quelques gros malins trop contents de prendre le contre-pied, c'est simplement un album globalement décevant, que quelques jolies chansons parviennent presque à sauver. Pas de quoi s'emballer pour l'avenir du groupe en tous cas. MGMT, affaire classée ?
Tracklisting :
Vidéos :
"Alien Days"
"Your Life Is A Lie"
Kevin Morby -
Harlem River
(Woodsist 2013)
Si vous vous intéressez de près au rock à tendance lo-fi qui s'est fabriqué depuis le début des années 2000, vous connaissez forcément Woods. Et si ce n'est pas le cas (honte à vous), vous avez forcément croisé des groupes qu'ils ont influencé ou aidé. Woods, groupe folk-psyché de Brooklyn est aujourd'hui une institution, notamment parce qu'outre ses excellents albums, il est au cœur de la scène underground grâce au label Woodsist, dirigé par le chanteur Jeremy Earl.
La liste des groupes ayant sorti un disque sur ce label influent donne le vertige : Moon Duo, White Fence, Fergus & Geronimo, Real Estate, Thee Oh Sees, Vivian Girls, Fresh & Onlys... Le dernier en date est Kevin Morby, bien connu de la maison parce qu'il est membre de Woods et des Babies. "Harlem River", son premier album solo, est une des belles surprises de cet hiver. Accompagné de quelques uns de ses acolytes (Justin Sullivan des Babies à la batterie, Tim Presley de White Fence et Cate Le Bon en guest sur certains morceaux), Morby prend la pose du baroudeur qui a silloné les Etats-Unis d'Est en Ouest et a vécu pour raconter de belles histoires. "Miles, Miles, Miles", "Slow Train", "Harlem River", "Wild Side (Oh The Places You'll Go)" sont toutes des chansons de voyage, emplies d'expériences personnelles que Morby narre avec douceur.
Voila pour le fond. Pour la forme Morby choisit celle qui s'associe naturellement à ce genre de textes : le folk-rock lumineux. Chanteur doué, compositeur subtil, il parvient sur cet album à produire quelques mélodies mémorables. L'ouverture "Miles, Miles, Miles", la ballade country enrobée de slide "The Dead They Don't Come Back" et surtout "Wild Side (Oh The Places You'll Go)", que tout fan de Bob Dylan se doit d'écouter d'urgence. Pour quelle raison ? Parce que cette chanson, de l'orgue spectral au phrasé trainant, brosse le dylanophile dans le sens du poil. On sent que l'auteur a beaucoup écouté "Blonde On Blonde", le morceau évoque "Visions Of Johanna" ou "Absolutely Sweet Marie" de par sa mélodie, sa production et son texte. Pastiche ou hommage ? Peu importe, "Wild Side (Oh The Places You'll Go)" est une grande chanson qui fait de ce "Harlem River" un album mémorable.
Tracklisting :
1. Miles, Miles, Miles *
2. Wild Side (Oh the Places You'll Go) *
3. Harlem River
4. If You Leave and If You Marry
5. Slow Train
6. Reign
7. Sucker in the Void (The Lone Mile)
8. The Dead They Dont Come Back *
Vidéo :
"Harlem River"
"Miles, Miles, Miles"
"Wild Side"
The Dirtbombs -
Ooey Gooey Chewy Ka-Blooey !
(In The Red 2013)
C'était la lubie de Mick Collins, le projet dont le leader des Dirtbombs parlait depuis des années et qu'on n'attendait plus. Après des années de procrastination, le fantasmagorique album bubblegum des Dirtbombs s'est enfin matérialisé. Le timing n'aurait pu être meilleur. Car le bubblegum est un genre qui a retrouvé ses lettres de noblesse en l'espace de quelques années, grâce notamment à Burger Records qui a publié plusieurs albums sous cette influence récemment (Gravys Drop, Thee Makeout Party, Bam Bams...), et puis grâce aussi à John Krautner de The GO qui au fil des années nous a appris à apprécier la beauté des mélodies sucrées.
A vrai dire, quand il y a dix ans Mick Collins évoquait (déjà) le projet, on redoutait presque de le voir se concrétiser. The Dirtbombs étaient alors le groupe le plus impressionnant du monde à voir en concert, avec leurs deux batteries et leurs deux basses (alors menées par les non moins impressionnants Tom Potter et Jim Diamond) qui faisaient vibrer les salles de concert. Après la vision heavy de la soul d'Ultraglide In Black et le garage-punk de Dangerous Magical Noise, l'idée de les voir jouer des légèretés dignes des Archies paraissait alors pour le moins incongru.
Et puis Party Store est passé par là. Ce double album où les Dirtbombs revisitaient quelques classiques de techno minimaliste de Detroit a changé la donne. Ce disque ambitieux mais peu convaincant – et franchement déroutant pour les non-initiés – avait semé le doute concernant les Dirtbombs et provoqué un sentiment de frustration. Après ce fatras expérimental, le public avait besoin d'une chose évidente mais simple : que les Dirtbombs jouent des vraies chansons. Avec des mélodies, des riffs cinglants, et surtout de quoi permettre à cette superbe machine rock'n'roll de s'exprimer à plein régime.
Ainsi Ooey Gooey Chewy Ka-Blooey ! était un album attendu par les fans. Comme prévu, The Dirtbombs proposent une dizaine de vignettes pop légères saupoudrées de sucre et de fuzz. Les mélodies sont irrésistibles ("It's Gonna Be Alright" avec sa ligne de basse débonnaire, "Jump And Shout" et ses claquements de mains, la pop ensoleillée de "Crazy For You", la funky "Hey! Cookie"). On retrouve quelques chansons construites sur le même moule que "Motor City Baby", hymne des Dirtbombs issu de Dangerous Magical Noise, l'album supposément glam du groupe (ce qui tend d'ailleurs à confirmer que glam et bubblegum sont trèèès proches). Malgré le recours à cette vieille formule, "Sugar On Top" et "Hot Sour Salty Sweet" sont plutôt convaincantes.
L'album contient deux pistes vraiment surprenantes. La première est "The Girl On The Carousel", la première véritable ballade jamais écrite par les Dirtbombs. Cette chanson douce qui s'ouvre sur un solo de hautbois vient nous rappeler le grand romantique qui sommeille en Mick Collins (on aurait du s'en douter : les Dirtbombs n'ont-ils pas dans le passé repris " I Started A Joke" des Bee Gees ?). L'autre se nomme "We Come In The Sunshine". Sur le verso de la pochette, le groupe remercie Brian Wilson. Et pour cause, la mélodie de cette chanson s'inspire grandement de "Good Vibrations" sur ses couplets. C'est à la fois décevant et amusant, un peu à l'image de cet album qui séduit sans jamais atteindre les hauteurs des chefs d'œuvre des Dirtbombs. Ooey Gooey Chewy Ka-Blooey ! est un album mineur dans leur répertoire, mais il a au moins eu le mérite de nous faire patienter en attendant le premier album du bubblegum supremo, John Krautner.
Tracklisting :
1. Sugar On Top
2. Crazy For You *
3. It's Gonna Be Alright *
4. Hot Sour Salty Sweet
5. Jump And Shout
6. The Girl On The Carousel *
7. Hey! Cookie *
8. Sunshine Girl
9. No More Rainy Days / Sun Sound Interlude
10. We Come In The Sunshine
Vidéo :
"It's Gonna Be Alright"
"Sugar On Top"
Vinyle :
The Revellions
Give It Time
(Dirty Water 2014)
On avait perdu la trace des fabuleux Revellions après leur étonnant single "Sighs" en 2012. La rumeur voulait qu'ils avaient splitté, ce qui était tout de même sacrément dommage. Leur premier album nous avait, certes, un peu laissé sur notre faim, mais le groupe était incroyable à voir en concert. C'est avec une certaine joie teintée de surprise que nous est parvenue la nouvelle de leur grand retour et qu'on accueille ce mois-ci le deuxième album du groupe, sorti un peu de nulle part.
Avec leurs cuivres mariachi qui ensoleillent la plupart des morceaux de l'album et leur nouvelle approche plus west coast que véritablement garage, The Revellions ne sont plus le même groupe qu'en 2009. A l'époque, le groupe proposait une version fougueuse du rock garage sixties de Paul Revere & The Raiders, avec fuzz et Farfisa au premier plan, selon l'école Fuzztones. Aujourd'hui, The Revellions sont toujours bloqués sur la même décennie mais proposent une musique plus calme, plus californienne. Avec ses cuivres et ses guitares folk, "Sighs" évoque le Love de "Maybe The People Would Be The Times Or Between Clark & Hilldale" (période "Forever Changes"), on pense à The Doors sur "Somewhere In Between", et "Don't Wait For Me" sonne comme un inédit du Sir Douglas Quintet. S'il fallait citer un groupe contemporain auquel comparer les Revellions, c'est (à notre grand étonnement) qu'on choisirait The Coral. "Somewhere In Between" pourrait être écrit par James Skelly, et certains morceaux aux relents country-rock (comme l'étonnant pastiche de Johnny Cash "Strung Out Bad"), sont dans la veine des liverpuldiens.
Cette métamorphose se double d'un certain sens de la mise en scène. Doté d'une armada d'instruments symphoniques (section de cuivres, violons), le groupe tente quelques morceaux de bravoure avec forte dramaturgie (ambiance apocalyptique, chant déchirant, chœurs appuyés). Un premier aperçu est donné avec "Give It Time" qui propose cinq minutes de furia psychédélique à la C.A. Quintet. "Drop", ultime morceau, achève l'album dans un décor morriconien. C'est ambitieux, un peu maladroit par moments, mais on prend beaucoup de plaisir à l'écoute de ces morceaux.
Dans l'ensemble, "Give It Time " est une réussite. Quand on connait dans quelles conditions le groupe a enregistré cet album – entre allées et venues de membres du groupe –, on ne peut qu'admirer la foi de ces mecs, et saluer le fait qu'ils ont réussi à produire un album cohérent. La mutation des Revellions chagrinera sans doute les amateurs de garage pur jus (qui pleuraient déjà la défection des Urges dans une direction similaire), mais peu nous importe : on les croyait morts il y a peu, et leur résurrection s'accompagne d'une poignée de bons morceaux. On prend.
Tracklisting :
1. Bitter & Twisted *
2. Sighs *
3. Don’t Wait For Me *
4. Give It Time
5. In Vino Veratas
6. Somewhere In Between
7. Strung Out Bad
8. The Waltz
9. Drip *
Vidéos :
"Sighs"
Vidéo promo de l'album
The Lovin Spoonful -
Daydream
(1966 ; Kama Sutra)
The Lovin’ Spoonful est un groupe dont les chansons les plus connues (« Daydream » et « Summer in the city ») sont des classiques qui se trouvent sur la majorité des compilations de musique pop américaine des années soixante. Leur attrait est évident, et il reste difficile de ne pas siffloter ces morceaux pendant les quelques heures / les quelques jours qui suivent leur écoute. Aujourd’hui encore, ces deux chansons (auxquelles il faut ajouter « Do you believe in magic ? ») servent de prétexte aux imbéciles pour ne pas s’intéresser de plus près à ce groupe. N’en déplaise aux fats et grossiers personnages (qui sont souvent les mêmes), The Lovin’ Spoonful est un groupe à l’histoire plus contrastée que le slogan de « good-time music » qu’il s’était choisi dans les premières années de son existence ne pourrait le laisser croire.
La musique enregistrée par le groupe de John Sebastian et Steve Boone était en effet le résultat d’une foule d’influences, et prenait ses racines dans les plus anciennes traditions musicales nord-américaines. Publié en 1966, le premier album de The Lovin Spoonful laissait percevoir les influences du boogie (« My Gal », « On the road again »), du blues rural le plus ancien (la reprise de Henry Thomas, « Fishin’ Blues »), du folk contemporain de Fred Neil (dont le groupe interprète « The Other Side of this life », en passant par les pistes à la production plus riches et aux chœurs splendides (« Do you believe in magic ? » signée John Sebastian et « You baby » signée par Barry Mann, Cynthia Weil et Phil Spector).
Le lecteur attentif et nous accordant un peu de sa confiance l’aura compris : ce premier album était une belle réussite qui plaçait en outre John Sebastian dans la catégorie des songwriters de classe, capable de composer des pistes aussi différentes et inspirées que « Did you ever make up your mind ? », et dont le timbre de voix caractéristique est particulièrement pertinent sur les ballades délicates telles que « Younger girl ». Deuxième album du groupe new-yorkais, Daydream a été publié un an après Do you believe in magic ?. La composition du groupe est la même que pour le premier album : Steve Boone à la basse, Joe Butler à la batterie et Zal Yanovski à la guitare solo entourent John Sebastian qui compose et chante la plupart des chansons de ce disque. Assez varié mais avec un potentiel pop plus important que son prédécesseur, ce disque est une incontestable réussite. « Let the boy rock and roll » témoigne de l’admiration portée par les membres de The Lovin’ Spoonful à Chuck Berry, (à qui les Beach Boys doivent également le début de leur carrière), et dont la chanson porte la marque de façon si évidente du seul grand génie de la guitare rock.
« Jug Band Music » est un joyeux clin d’œil envoyé par John Sebastian aux groupes de jug-band music et aux artistes de la scène folk new-yorkaise du début des années soixante, pour lesquels il avait joué de l’harmonica avant de former The Lovin Spoonful (il avait également joué pour Billy Faier, Fred Neil et de Tom Rush). L’album se poursuit avec une tranquille assurance dans une atmosphère dynamique et optimiste, en livrant au passage quelques très belles chansons aux harmonies toujours très soignées (« You didn’t have to be so nice »). C’est le batteur Joe Butler qui chante seul et livre une très belle performance sur l’avant-dernière chanson, « Butchie’s Tune », une belle ballade intimiste écrite coécrite par Sebastian et Boone, alors que « Big Noise from Speonk » clôt l’album en une jam instrumentale réjouissante et dynamique.
Groupe mineur d’une époque lointaine et musicalement miraculeuse, The Lovin’ Spoonful vaut mieux que le sourire plus ou moins ironique qui lui est accordé, et ses deux premiers albums permettent de percevoir une partie de l’évolution de la scène pop-folk new-yorkaise des années 1960.
Liste des chansons :
1. Daydream *
2. There She is *
3. It’s not time now
4. Warm Baby
5. Day blues
6. Let the boy rock and roll
7. Jug Band Music
8. Didn’t want to have to do it *
9. You didn’t have to be so nice
10. Bald headed Lena
11. Butchie’s tune *
12. Big noise from Speonk
Vidéos :
"Daydream"
"Bald Headed Lena"
"There She Is"
Dans les caveaux du Fuzz
Seconds couteaux et perles de série B
French Freaks, épisode 2
Quo Vadis: "Zeppelin Party"
En France, en 1972, on faisait mieux que Led Zeppelin.
(Pas compliqué, rétorqueront les fidèles lecteurs dont nous partageons les goûts. Ayez cependant l'obligeance de ne pas désamorcer notre phrase d'accroche.)
« WWWwaaaaooOOUwwwaaaaoumMm LED ZEPPELIN !!! WOCKENWOLLE !!! »
On faisait mieux, parce que pour accompagner Led Zeppelin, on avait Serge Gainsbourg et les rimes riches de son phrasé au textualisme lysergique. (Et si ce n'étaient pas eux en personne, alors ce devaient être leurs frères.) Fantasme? Non, réalité: ça s'appelle « Zeppelin Party » et c'est un énorme tube de heavy-disco rimbaldien.
« Deux guitares... Une longue plainte... Une étreinte... Des coups par millards... Vous explosent au coeur à grande dose... »
Rares sont les hommages ou les pastiches qui surclassent les originaux. La compagnie à Jimmy Page a-t-elle jamais enregistré riffs aussi fougeux, rauques, serrés, et wah-wah si miaulantes; nous a-t-elle jamais emportés dans une telle tornade funky de hard rock calamistré?
« Les accents du rock... La démence en hurlant... Déchaine la violence »
Défi, hénaurme gag, exercice de style? L'ambiguïté est reine, qui ne contribue pas peu à la réussite. Mais une part de mystère se dissipe vite, si l'on prend garde que derrière ce nom éphémère de Quo Vadis se dissimulent des individus qui sont tout sauf des béjaunes: Serge Doudou et Jean-Pierre Hipken, artisans quelques années plus tôt d'un des tout meilleurs (le meilleur?) groupe de beat français, les ex-Gyspys, auteurs du formidable «Prolétaire».
« Un garçon voudrait s'éveiller... Et dire Non aux Réalités »
« Zeppelin Party » confère tout son sens au concept d' «exception française» et servira de bande-son idéale à tous les apprentis contestataires malodorants et poilus s'il en est encore, ou à tous ces galopins persuadés que l'existence est ailleurs, et avides de guincher tout en combattant l'aliénation idéologique de l'ordre bourgeois. Les yeux bien écarquillés sur des visions d'un autre monde, ils enroberont leur anarcho-samedi soir dans les virevoltes torrides d'un rock assonancé.
« AU SECOURS J'AI BESOIN D'AMOUR »
A écouter:
Trois quarante-cinq tours sont à recenser entre 1970 et 1974. On aurait aimé chanter aussi fort leurs louanges, mais il faut bien convenir que rien chez Quo Vadis n'égale la fantaisie de «Zeppelin Party», simple face B du deuxième (comme souvent chez les Français, c'est là que se cachent les pépites). Les autres chansons sont d'agréable facture, les parties de guitares parfois très bonnes, mais les lignes de chants en français évoqueront sans doute trop la variété pour le rockeur impénitent.