13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 08:51

The Beep Seals - Things That Roar

The Beep Seals -
Things That Roar

(Heron Recordings 2008)

 

 

Manchester, ville rock. Alors que des dizaines de groupes s'escriment dans le reste du royaume avec pour seul objectif de sonner rigoureusement identiques[i], quelques irréductibles ont des envies de pop indé au son intemporel. Mal leur en prend, manifestement, parce qu'à l'inverse de feu Oasis et autres Courteneers, The Beep Seals n'ont eu aucun succès. Au moment où on écrit ces lignes, le groupe vient d'annoncer sa séparation alors qu'il a sorti avec Things That Roar un des albums les plus enthousiasmants de l'année 2008.

 

Split ou pas, The Beep Seals est un groupe qui mérite l'intérêt pour la simple raison qu'ils savait écrire des bonnes chansons, avec des mélodies mémorables et des instrumentations délicates. L'équivalent mancunien des Shins en quelque sorte. Pour être complets avec leur CV, on notera que le groupe a accompagné Jim Noir sur scène lors de la tournée de son premier album, ce qui peut donner une indication sur la teneur de leur son. On trouve dans Things That Roar un esprit feelgood aux fortes intonations sixties et un son chaleureux qui évite soigneusement toute association avec ce qui s'est produit dans le Royaume-Uni depuis 1977. Les Beep Seals interprètent leurs morceaux sans pose ni chant affecté, le groupe chante ses compositions avec un naturel qui fait mouche et qui coupe avec l'esprit northern. Une aberration à Manchester.

 

Quelques mélodies sont d'une évidence rare, comme "Tell Your Friends", digne des Beach Boys ou "She Sells Sea Shells" qui rappelle beaucoup "Sticks & Stones" des Bee Gees et fleure bon les sixties. Toujours sous influence américaine, "Chariot Song" semble sortie d'un album d'Eliott Smith tandis que "Biting Glass", avec son refrain choral et son final en ad-lib, demeure un des meilleurs morceaux d'ouverture entendus ces dernières années. Pour ne rien gâcher, les arrangements sont d'une finesse bienvenue en ces temps de pop 80s flashy, notamment les synthés discrets qui enrichissent les morceaux et leur donnent une envoutante patine psychédélique.

 

Un aspect inattendu du groupe rend ce Things That Roar particulièrement intéressant. A quelques reprises dans l'album, The Beep Seals se lancent dans des plages planantes où une guitare fuzz entraîne un groove souverain. "I Dreamt A Metal Hat" en est l'exemple type, avec ses tics prog façon Pink Floyd ou King Crimson, tout comme la superbe "I Used To Work At The Zoo" qui navigue allègrement dans les années 70.

 

On regrette aujourd'hui de ne pas avoir plus évoqué le cas des Beep Seals de leur vivant et de n'avoir que Things That Roar comme relique de ce groupe éphémère. Comme le démontre l'album, The Beep Seals ne se prenaient pas pour ce qu'ils n'étaient pas. Leur approche de la musique, sincère et sans arrière-pensée mercantile, leur recherche d'authenticité, les a confiné dans un anonymat qui a fini par avoir raison de l'existence même du groupe. Dans une Angleterre pauvre en jeunes groupes pop de tradition, on ne peut que s'attrister de leur disparition.

 

 

 

 

 Tracklisting :

  1. Biting Glass  *
  2. Tell Your Friends
  3. Use Your Other Head
  4. She Sells She Sells  *
  5. A Dreamt A Metal Hat  *
  6. Join Me On My Cloud
  7. Stars  *
  8. Chariot Song
  9. On Opening The Curtains  *
  10. Things That Roar
  11. I Used To Work At The Zoo
  12. Such A Bloody Pain

Le groupe sur MySpace : www.myspace.com/beepseals

 




Vidéos :

"Biting Glass"


 

"Chariot Song" (acoustique)


"Tell Your Friends" (acoustique)


"I Used To Work At The Zoo" (live)





 

[i] Ce qui est par ailleurs assez drôle quand on considère les interviews dans lesquels ces mêmes groupes affirment tous avoir "un son unique" ou "sonner comme aucun autre groupe" sans avoir peur du ridicule.

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 22:23

Arctic Monkeys - Humbug

Arctic Monkeys -
Humbug

(Domino 2009)

 

 

L'histoire est connue : après deux albums au succès planétaire, les Arctic Monkeys sont allés enregistrer chez Josh Homme au cœur du désert californien. Un changement de cap audacieux (on imagine mal les Kings Of Leon faire la même chose) mais assez logique en regard de l'évolution sonique du groupe qui, après un premier album aux fortes sonorités northern anglaises, avait musclé son jeu pour son successeur Favourite Worst Nightmare. Cet album trahissait une admiration des anglais pour les Queens Of The Stone Age, rien de surprenant alors à voir le gourou du rock stoner et les têtes de file du rock anglais travailler ensemble.

 

Malgré l'affiche alléchante, Humbug n'est pas le chef d'œuvre tant espéré par les fans les plus transis d'Alex Turner mais demeure un album à la fois solide et intriguant. Les Arctic Monkeys y proposent pour la première fois une vraie cohérence dans le son et dans le ton, et délaissent l'énergie brute pour privilégier des atmosphères ensuquées, parfois vaporeuses. Toutes proportions gardées, on pourrait un peu comparer leur évolution à celle opérée par les Beatles avec Rubber Soul : moins de tubes immédiats accolés à des morceaux de remplissage, plus de cohérence globale.

 

Si le gros défaut de Favourite Worst Nightmare était son côté frénétique assommant, on ne peut en dire autant d'Humbug.  L'ouverture "My Propeller", calme, fait la part belle aux ambiances et au groove. On le sait, Arctic Monkeys ne sont pas des grands mélodistes mais ils savent envoyer des rythmes infectieux, à mi-chemin entre funk, reggae et rock stoner. Le single "Crying Lightning" en est l'illustration, tout comme d'autres excellents morceaux tels que "Dangerous Animals" ou "Pretty Visitors". Plus frappant encore, la gémellité de ce Humbug avec Rascalize, le décrié premier album des Rascals, est surprenante. On entend du "Freakbeat Phantom" dans "Crying Lightning", comme on entend du "Out Of Dreams" dans "Dangerous Animals" ou "Potion Approaching". Le clip de "Crying Lightning" va même jusqu'à reprendre l'imagerie nautique associée aux Rascals (qui en bons fils de dockers liverpuldiens chantent des choses comme "All aboard the adventure…").

 

Le plus amusant dans cette histoire, c'est qu'on trouvait en 2008 que Rascalize était trop influencé par les Arctic Monkeys. Que faut-il en déduire ? Il semble que le projet Last Shadow Puppets, cette fameuse collaboration entre Miles Kane des Rascals et Alex Turner ait provoqué ce rapprochement dans leurs écritures et dans le son de leurs groupes. Si on écoute les Arctic Monkeys de Whatever You Say I Am That's What I'm Not et les EPs des Little Flames (le premier groupe de Kane, qui comprenait déjà les 3 musiciens des Rascals), on trouve deux groupes très différents. En 2009, de nombreux morceaux des Arctic Monkeys évoquent les Rascals qui, de leur côté, viennent d'annoncer leur séparation. Les Arctic Monkeys auraient-ils phagocyté les Rascals ? Alex Turner aurait-il pompé toute la substantifique moelle de Miles Kane ? Drôle d'affaire.

 

Quoi qu'il en soit, Humbug fascine parce qu'il montre les Arctic Monkeys navigant a vue, empruntant des chemins inattendus, et fermement décidés à construire des albums comme des œuvres cohérentes. En ce sens, c'est peut-être leur meilleur disque à ce jour. S'il ne contient pas de tube immédiat, la qualité générale d'Humbug est excellente. On s'étonne d'avoir fréquemment envie de passer le disque sur la platine1… pour la basse de "Crying Lightning", pour le final de "Secret Door", pour l'énergie de "Pretty Visitors" et pour tous ces petits détails qui font les bons albums.  Un disque de transition sans doute, mais annonciateur d'un avenir intéressant.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. My Propeller

2. Crying Lightning  *

3. Dangerous Animals

4. Secret Door  *

5. Potion Approaching  *

6. Fire and the Thud

7. Cornerstone  *

8. Dance Little Liar  *

9. Pretty Visitors

10. The Jeweller’s Hands

 

 

 

 

Vidéos :

 

"Crying Lightning"

 

 


1 Le disque, plutôt court, ne contient que 10 morceaux pour 40 minutes. Les Arctic Monkeys, en bons puristes, formatent leurs albums pour le vinyle. 

 

 

 

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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 14:11

Neils Children - X.Enc

Neils Children -
X.Enc

(Structurally Sound 2009)

 

 

    Après des années d'attente et de délais incessants, les londoniens de Neil’s Children sortent leur premier véritable album. Depuis ses débuts en 1999, le trio du Cheshire (dont la composition a varié[1]) n'avait jusque-là sorti qu'un excellent mini-album, Change/Return/Success, et de nombreux singles qui ont permis aux fans les plus tenaces de patienter, vaille que vaille.

 

    Bonne surprise pour les quelques uns qui suivent le groupe depuis ses débuts, les morceaux de X.Enc sont tous inédits (à l'exception de « I'm ill », sorti en 2008 pour promouvoir l'album), ce qui leur permettra de découvrir la nouvelle approche du groupe. L’aspect regrettable est que de nombreux morceaux grandioses se trouvent ainsi écartés du premier album de Neil’s Children et que la plupart des merveilles écrites par le groupe entre 2004 et 2007 ne verront jamais le jour autrement qu'en single ou dans une compilation que nous pouvons poliment qualifier de ‘bancale’ (Something Perpetual, sortie exclusivement au Japon en 2006). « Another Day », « Something You Said », « Stand Up », « Always the Same », et surtout « Stupid Band » (peut-être leur meilleur morceau) sont autant de pépites garage sous influence post-punk qu'on invite tout le monde à débusquer sur Internet. Ces morceaux figurent parmi les meilleurs de leur époque, tous genres confondus.

 

    Pour en revenir à X.Enc, il apparaît rapidement à l'écoute de l'album que Neil’s Children ont changé d'approche. Les morceaux sont moins mélodiques, plus noisy. Pour schématiser, plus Pornography, et moins Three Imaginary Boys. Le son de cet album, clairement différent – et plus mûr –  que celui des premières années de Neils Children, est définitivement ancré post-punk. L’ambiance est globalement plus ouvertement agressive, mais les morceaux du groupe reposent encore sur l’extraordinaire section rythmique. Dès la première piste, « Motorcar », le jeu de batterie est extraordinaire : le récital se poursuit sur l’ensemble de l’album, dans des registres différents : si « An Exchange » ne dépareillerait pas sur un album des Liars (tout comme la première partie de « The eyes of a child »), des pistes comme « I can’t see you » et « I’m ill » sont celles que Kaiser Chiefs ne parviendront jamais à enregistrer. « Communique », dont l’intro rappelle « Harmonic Generator » des Datsuns, est une piste instrumentale curieuse, qui ne décolle jamais réellement malgré les deux passages différents – on n’ose ici parler de solo – qui la ponctuent. 

 

  Le style du groupe est aisément identifiable, cela en partie grâce à la relative simplicité qui caractérise la construction de leurs morceaux : intro jouée à la batterie, avant l’arrivée de la basse et/ou de la guitare, puis du chant qui martèle à l’envi des paroles relativement simples (« But then what I’m told is no concern of mine » sur « Indifference is Vital » ; « The world is so much different through the eyes of a child » sur  « The eyes of a child » ou «It’s funny how people change their minds / It’s a good thing that I won’t change mine » sur « People change their minds ») Cette simplicité est la garantie de morceaux immédiatement percutants, et le travail sur le son – les solos sont livrés dans une approche bruitiste délibérée – parachève l’ouvrage.  De plus, si chaque morceau est réussi, l’écoute continue de l’album apporte un élément supplémentaire à l’appréhension de l’univers de Neils Children. En effet, les onze pistes de ce disque forment ensemble une remarquable unité, en laissant entrevoir les divers talents du groupe, dans des styles variés.

 

    Depuis la sortie de Change/Return/Success, beaucoup de choses ont changé dans la musique du groupe ; cependant, la conclusion reste la même, après X.Enc : une sensation d’immense gâchis, de rendez-vous raté... et le sentiment que Neils Children ne sera jamais rien d’autre qu’un groupe culte.


 


 

Liste des chansons :

  1. Motorcar  *
  2. Sometimes it’s hard to let go  *
  3. An Exchange
  4. Communique
  5. Interlude  *
  6. I can’t see you
  7. Indifference is vital
  8. I’m ill  *
  9. The eyes of a child
  10. Terror at home  *
  11. People change their minds

Le groupe sur MySpace : www.myspace.com/neilschildren



Vidéo :

"i'm Ill"


[1] Le poste de bassiste de Neil’s Children semble être voué a n’être que temporaire : après Tom Hawkins (1999-2000), James Hair (2001-2005), c’est Keith Seymour (2005-2009) qui a décidé de quitter le groupe. 

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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 22:00

Muse. The Resistance

Muse -

The Resistance

(Warner 2009)

 

 

C'est avec une vraie gourmandise et une légère appréhension qu'on s'est lancé pour la première fois dans l'écoute de The Resistance de Muse. Il faut dire qu'on attendait cet album avec une certaine impatience. Le précédent Black Holes & Revelations nous avait estomaqué par son côté pompier décomplexé et l'air grave emprunté par le groupe au moment de balancer ses morceaux aussi comiques que prétentieux. Matthew Bellamy, véritable Eric Idle du rock moderne, était en 2006 le chanteur le plus drôle de la planète.

 

Malheureusement pour lui, en 2008 est sorti Slipway Fires de Razorlight qui a vu Johnny Borrell reprendre avec panache sa couronne de chanteur con avec ses chansons larmoyantes et ses clips spirituels à base d'allumettes. Si on a bien ri, cela semble avoir fâché Matthew Bellamy – pas habitué à voir son trône vaciller – qui a décidé de remettre les pendules à l'heure.

 

Très vite l'idée d'un concept album a été lancée, histoire de s'assurer une certaine inanité. Quelqu'un a suggéré de couper les morceaux en plusieurs parties et de leur donner des titres évoquant ceux de Jean-Michel Jarre (comme "Exogenesis : Symphony Part 3 : Cross-pollination"), toujours une valeur sure. Un autre a invité le reste du groupe à se plonger dans l'écoute des groupes les plus effroyables de la fin des années 70, tandis que Bellamy a promis de remettre le nez dans ses partitions de piano classique. A l'unanimité, le glam outré de Queen, le prog baveux de Yes et Emerson, Lake & Palmer ont ainsi été retenus pour enrichir le son du groupe. Pour bien finir le boulot, le groupe a engagé un orchestre de 40 musiciens pour jouer une mini-symphonie inspirée des compositeurs préférés de Bellamy. Gare à toi, Johnny Borrell !

 

La grande question qu'on se pose avant l'écoute de The Resistance, c'est "L'album sera-t-il à la démesure du single "United States Of Eurasia" ?". Pour mémoire, ce morceau délirant poussait Muse dans ses derniers retranchements en termes de n'importe quoi : ouverture au piano puis couplet calqués sur "We Are The Champions" de Queen (avec chœurs, violons, son de guitare baveux à la Brian May, chant affecté en surrégime), passage arabisant façon Lawrence d'Arabie, refrain braillard à la "Flash Gordon" (Queen encore), le tout saupoudré de paroles débiles. Sur la version album, le coup de grâce est porté en fin de morceau, par un passage nommé "Collateral Damage" où le groupe colle de façon incongrue rien moins que la Nocturne n°2 en Mi bémol majeur de Chopin (ah! les joies de la musique classique libre de droits…).

 

Le reste de l'album est à la hauteur de nos espérances. L'ouverture "Uprising" réjouit par son jeu de guitare dégoulinant et un premier refrain digne de "Maréchal nous voila" : "Weeeeee will beeeee victoooooooooooooooorious"), "Resistance" multiplie la surenchère et montre que Muse a définitivement abandonné toute idée de bon goût, chose que confirme "Undisclosed Desires" à l'intro-RnB risible, sorte de croisement horrifique entre Usher et U2. L'album est incroyablement varié et démontre le talent de Muse pour pervertir tous les genres musicaux.

 

Sur la ballade gros-cul "Guiding Light", Bellamy s'épuise en solos pyrotechniques pour masquer le vide de son morceau. Dans un registre plus rapide, Muse est aussi divertissant : "Unnatural Selection" ouvre sur un orgue d'église avant de partir dans un riff de guitare tournoyant proche de celui de "New Born", le morceau devient alors très lourd (dans tous les sens du terme) mais prend l'auditeur à contre-pied par un ralentissement soudain qui permet à Bellamy de s'adonner à sa pratique favorite : s'époumoner dans son micro. Après une nouvelle accélération en fin de morceau, on est à genoux. Pendant 6 minutes, Muse a encore repoussé les limites du rock épique en le portant à sa limite ultime : le non-sens total. La structure en trois parties n'a aucune ligne directrice autre que la démonstration vaine. A trop vouloir en faire des tonnes, le groupe atteint une sorte de dimension parallèle. Un cauchemar pour mélomanes que le rocker amusé trouvera ça beaucoup plus drôle que n'importe quel sketch de Gad Elmaleh ou Florence Foresti.

 

Fidèle à lui-même, le groupe n'oublie pas d'en rajouter une couche dans la foulée avec "MK Ultra" (moins sympathique néanmoins) avant ce "I Belong To You / Mon Cœur S'ouvre A Toi" de cabaret que d'aucuns qualifieraient de pouet-pouet. Après un démarrage primesautier, le groupe refait son spécial – le ralentissement en milieu de morceau – et enchaine avec panache sur un passage larmoyant (violons, piano façon Clayderman) chanté en français. Ce qui est rassurant avec Bellamy, c'est qu'il n'a peur de rien, et surtout pas du ridicule. L'entendre chanter dans une langue que manifestement il ne maîtrise pas est un délice[1].

 

La fin de l'album voit le groupe se lancer dans son pari le plus osé : une mini-symphonie en trois actes nommée "Exogenesis". La première partie "Overture" commence comme une musique de film, avec un côté romantique façon Dvorak, et se termine par une pulsation de basse et un chant en falsetto. La deuxième partie, "Cross-pollination", lorgne du côté du Rhapsody in Blue de Gerschwin en intro et en fin de morceau. Ceci mis à part, le morceau reste une ballade au piano très classique qu'un inévitable contingent de pompier vient ébranler. On y retrouve des solos de guitare à la Brian May avec un certain plaisir, mais les festivités ne durent pas, et Muse revient à ses aspirations classiques pour la troisième partie "Redemption" qui évoque pèle-mêle la "Sonate au clair de lune" de Beethoven et Chopin, encore. Le morceau se termine dans un dernier pastiche de Queen et des violons sanglotants. Le chef d'œuvre comique du groupe ? Oui et non. Si le morceau est aberrant de A à Z, son côté calme et le fait qu'il cite autant de morceaux classiques le rendent un peu stérile. Muse sont plus drôles quand ils jouent le panache de la surenchère idiote, ici ils ressemblent à des étudiants en musicologie qui présentent un projet de fin de cursus et leurs copies de morceaux classiques sont trop larmoyantes pour qu'on trouve matière à rire.

 

Quoi qu'il arrive, Muse auront marqué l'année 2009 de ce The Resistance flamboyant, imaginatif et incroyablement mauvais. On ne peut qu'admirer l'opiniâtreté de Muse qui s'aventurent toujours plus vers une musique surchargée et superficielle. Ils auraient tort de changer : plus ils en rajoutent, plus leur contingent de fans grandit. Là où ils sont très forts, c'est que leurs disques sont tellement mauvais qu'ils en deviennent des chefs d'œuvres d'humour involontaire. Il nous est ainsi arrivé d'écouter "United States Of Eurasia" un soir de déprime pour retrouver le sourire. C'est plus efficace qu'un antidépresseur et ça ne comporte aucun risque pour la santé. C'est pour cette raison précise qu'on ne peut classer ce disque parmi les "Disques à jeter par la fenêtre" : il a des vertus thérapeutiques.

 

 

 

Tracklisting :

 

   1. Uprising

   2. Resistance

   3. Undisclosed desires

   4. United states of Eurasia (+ Collateral damage)

   5. Guiding light

   6. Unnatural selection

   7. MK-Ultra

   8. I belong to you (+ Mon cœur s’ouvre à ta voix)

   9. Exogenesis: Symphony part I (Overture)

  10. Exogenesis: Symphony part II (Cross pollination)

  11. Exogenesis: Symphony part III (Redemption)

 

 

L'album est en écoute intégrale sur Deezer : www.deezer.com/en/#music/muse/the-resistance-390984

 

 

 

Vidéos :

 

"United States Of Eurasia"




[1] Officiellement, il chante "Ah! Réponds, Réponds à ma tendresse, Verse-moi, verse-moi l'ivresse!" mais on ne comprend pas grand-chose la première fois. Une fois qu'on sait ce qu'il chante, on comprend plutôt "Wi-ponz a ma tendwezeu … veursé moi livouess".

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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 10:18

Graham Coxon - The Spinning Top

Graham Coxon -

The Spinning Top

(Transcopic 2009)

 

On se souvient avoir réellement découvert Graham Coxon à la sortie de son premier album solo en 1998, enregistré après l'album éponyme de Blur. Folk et acoustique, The Sky Is Too High nous faisait découvrait un auteur subtil, à la voix fragile et à la timidité non feinte. A l'époque Coxon s'essayait juste à l'exercice du chant (après un premier "You're So Great" avec Blur qu'il n'avait réussi à extérioriser que complètement saoul). L'expérience aidant, Coxon a pris de l'assurance à chaque nouvel album solo au point de se construire une discographie admirable, qui tournait de plus en plus punk à chaque album.

 

Alors que Blur s'est brièvement reformé pour une poignée de concerts qui ont bouleversé les gens qui y ont assisté, The Spinning Top voit le guitariste à lunettes revenir au son de ses débuts en solo, folk et acoustique. L'album possède tous les ingrédients qui font les bons disques folk : une écriture inspirée, des instrumentations lumineuses, une interprétation sobre. A l'écoute de "Look Into The Light", "In The Morning" ou "If You Want Me",  il apparaît que Coxon a du Nick Drake en lui (rien d'étonnant si on se souvient qu'il chantait en 1998 sur "I Wish" : "I wish I could bring Nick Drake back to life"). Ses arpèges cristallins et ses mélodies en mode mineur rendent la filiation évidente, les morceaux sont magnifiques.

 

Long de 15 morceaux (quasiment tous durant plus de 4 minutes), l'album pêche par sa durée, qui dépasse allègrement l'heure d'écoute. Si la qualité était constante, cela ne poserait pas de problème, mais après un début d'album idéal, la face B faiblit franchement, s'égarant dans une quiétude proche de la somnolence. Si quelques réussites comme "Humble Man" ou "Caspian Sea" maintiennent l'auditeur éveillé, on vous met au défi de tenir durant les 4 minutes de guitare espagnole de "Far From Everything" sans commencer à piquer du nez.

 

En vérité, tout aussi bon qu'il soit, le plus intéressant avec The Spinning Top concerne le timing de sa sortie. Alors qu'il vient récemment d'enrichir l'album solo de Pete Doherty de ses traits de guitare acoustique, et qu'il a retrouvé ses vieux comparses de Blur pour une tournée qui – on l'espère – débouchera peut-être sur une reformation complète du groupe, Graham Coxon a décidé de laisser tomber ses aspirations punk (cf le bruyant Love Travels At Illegal Speeds) et de revenir à des chansons simples, dépouillées. Comme s'il n'avait plus rien à prouver, comme s'il avait bouclé la boucle. Pour la première fois peut-être, Graham Coxon semble en paix avec lui-même, sa musique reflète cette sérénité.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. Look Into The Light  *

2. This House

3. In The Morning  *

4. If You Want Me

5. Perfect Love  *

6. Brave The Storm

7. Dead Bees

8. Sorrow's Army  *

9. Caspian Sea

10. Home

11. Humble Man

12. Feel Alright

13. Far From Everything

14. Tripping Over

15. November

 

 

 

 

 

 

VIdéos :

 

"In The Morning"


"Sorrow's Army"

'Look Into The Light'
'This House'
'In The Morning'
'If' You Want Me'
'Perfect Love'
'Brave The Storm'
'Dead Bees'
'Sorrow's Army'
'Caspian Sea'
'Home'
'Humble Man'
'Feel Alright'
'Far From Everything'
'Tripping Over'
'November'
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31 juillet 2009 5 31 /07 /juillet /2009 22:22

Kasabian - West Rider Pauper Lunatic Asylum

Kasabian -
West Ryder Pauper Lunatic Asylum

(Sony 2009)

 

Attention hype ! A l'image de ce qui se passe de façon systématique avec leurs grands-frères d'Oasis, chaque nouvel album de Kasabian est annoncé comme étant le meilleur du groupe. Les anglais savent admirablement vendre leur came et faire de chaque sortie d'album un événement médiatique. Outre une campagne de presse insistante, Kasabian récolte depuis un mois des lauriers dans toute la presse spécialisée, à juste titre car West Ryder Pauper Lunatic Asylum est un album excellent. Ne nous emballons pas trop néanmoins, car parler de chef d'œuvre ou d'album avant-gardiste comme on a pu le lire ici ou là paraît exagéré.

 

Après deux albums au son distinctif et à l'écriture assez formulaïque, on a appris à connaître les ficelles de Kasabian et y discerner les recettes employées par le groupe. Le truc avec eux, c'est qu'on a l'impression d'avoir déjà entendu leurs chansons avant de les avoir écoutées. Côté mélodies on est rarement surpris, mais bizarrement on ne trouve ça jamais mauvais, car Kasabian sait envoyer ses morceaux avec style.

 

Tout au long de l'album, le groupe fait une nouvelle fois preuve de son érudition : après l'ouverture "Underdog" typiquement Madchester, le début de l'album est plutôt tendance krautrock, avec "Where Did Al The Love Go ?" qui possède une solide rythmique qui évoque le Apache beat employé par Klaus Dinger de Neu!. Pas de quoi crier au génie cependant, car le groupe avait déjà fait le coup avec "Reason Is Treason" dans son premier album. L'album surprend une première fois avec "Swarfiga", un instrumental  qui évoque le Gong de Continental Circus, notamment par l'emploi de glissando guitar, avant "Fast Fuse" qui possède un riff entêtant à la "Stroll On" des Yardbirds. On est heureux de retrouver ce morceau ici après une discrète sortie vinyle en 2008. De façon assez étonnante, il s'agit de la seule incursion du groupe dans le registre franchement rock lors de l'album. Si Kasabian propose toujours un son riche, celui-ci semble en effet plus sage, moins menaçant. Où sont les riffs telluriques à la "Klub Foot" ou "Shoot The Runner"?

 

Kasabian a choisi pour cet album de varier les tempos, ce qui lui permet de gagner en épaisseur et de sortir du registre northern auquel on l'associe souvent. Le groupe ralentit le rythme à bon escient et sait bien gérer ses temps calmes, avec l'acoustique "Thick As Thieves" qui succède à "Take Aim". Kasabian réussit sur ce dernier morceau le prodige de ne pas sonner pompier malgré une intro à base de violons et de trompettes. On retrouve ces mêmes violons dans "West Ryder Silver Bullet", un morceau dont l'ambiance de Western s'inspire des BO de Morricone, après une intro de batterie venue tout droit de "Mellow Yellow" de Donovan. Kasabian y est souverain, et n'hésite pas à prendre des risques dans l'instrumentation.

 

Kasabian succombe néanmoins une fois de plus à son péché mignon : l'album s'achève de façon peu convaincante. On a l'habitude de voir le groupe se prendre les pieds dans le tapis en face B (ou plutôt en face C et D, devrait-on dire, Kasabian ayant l'habitude de sortir ses albums en double album vinyle 10 pouces), sur West Ryder Pauper Lunatic Asylum, le groupe n'y échappe pas. Cette fois-ci Kasabian s'embourbe sur deux ballades pénibles, "Ladies & Gentlemen (Roll The Dice)" et "Happiness", qui rivalisent d'ennui (mention spéciale à la dernière qui s'achève sur un chœur de gospel pleurnichard et peu subtil). Par ailleurs, si le son de basse sur "Vlad The Impaler" soulève l'enthousiasme, le morceau n'est qu'une scie au refrain idiot (cet irritant "Get loose, get loose") et met en avant le principal défaut du groupe : une écriture pas toujours à la hauteur de ses ambitions (chez Kasabian, la forme est souvent meilleure que le fond).

 

Le seul morceau intéressant dans ce final erratique se nomme "Fire", et demeure peut-être le meilleur passage de l'album. Après une intro paisible à la guitare acoustique où un synthé intrigant vient tisser une toile sonore, le morceau explose, porté par un riff de guitare lourd. Ce qui suit défie les lois de la gravitation : le refrain enchaîne sur un solo de guitare simple mis en relief par une ligne de basse disco. Totalement impromptu mais irrésistible. S'il se montre capable de continuer à écrire des morceaux de ce calibre, Serge Pizzorno devrait mener son groupe au sommet et dépasser son modèle mancunien en termes de popularité (l'album a d'ailleurs cartonné en Angleterre). Dans une année 2009 pauvre en grands disques, Kasabian ont publié un album de qualité en se tenant à l'écart des modes et en allant puiser dans le meilleur du rock des années 60 et 70. Un exemple à suivre.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. Underdog  *
2. Where Did All the Love Go?  *
3. Swarfiga
4. Fast Fuse  *
5. Take Aim
6. Thick As Thieves
7. West Ryder/Silver Bullet  *
8. Vlad the Impaler
9. Ladies and Gentlemen (Roll the Dice)
10. Secret Alphabets
11. Fire  *
12. Happiness

 

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/kasabian

 

 

 

 

 

Vidéos :

 

"Where Did All The Love Go ?"


 

"Fire"


 

"Underdog"


 

 

 

 

 

 

Vinyle :

 

Comme d'habitude, l'album de Kasabian est un double-vinyle 10 pouces assez classieux. Un bel objet.

 

Kasabian - West Ryder Pauper Asylum:

 

 

 

 

 

 

 

Kasabian : tous les disques chroniqués sur PlanetGong

 

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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 15:02

Let's Wrestle - In The Court Of The Wrestling LetsLet's Wrestle -

In The Court Of Wrestling Let's

(Stolen Records; 2009)

 

 

    Un an après la sortie remarquée d'un EP de six morceaux (In Loving Memory of...), le trio le plus excitant de Grande-Bretagne est de retour avec un premier album dans lequel le groupe poursuit dans sa même démarche foutraque et réjouissante. La première réaction à la vue de la pochette de l'album est de pouffer de rire. Hideuse, peinte à la main par le chanteur, elle dévoile d'une écriture mal assurée le titre de l'album : In The Court Of Wrestling Let's. La blague est crétine mais irrésistible : Let's Wrestle font allusion au titre du premier album de King Crimson sorti en 1969, et nommé In The Court Of The Crimson King, et dont la pochette est l'une des plus célèbres de l'histoire du rock.

 

    S'il est légèrement moins lo-fi que sur leur premier EP, le son de Let's Wrestle est aisément identifiable... Quant à la voix de Wesley Patrick Gonzalez, que les fans se rassurent : l'étonnant chanteur ne sait toujours pas chanter, et livre plusieurs de ses interprétations comme s'il venait de se réveiller après une nuit trop arrosée. Sa voix tremblante, qui semble parfois ne pas vouloir choisir entre le chant et le cri, est terriblement expressive : blasée, pleine d'ironie, elle apparaît comme une étrange combinaison entre celles de Jonathan Richman et d'Eddie Argos. La démarche de ces deux chanteurs transparaît aussi dans l'écriture des morceaux, ainsi que dans la musique pour le premier album des Modern Lovers. En aucun cas les membres de Let's Wrestle ne s'imposent de limites : ils enchaînent avec jubilation les morceaux faussement potaches aux paroles improbables : « I'm going to my local library, and then I'll go to the Charity shop. Who knows where I'll go after that? Then I think I'll go home. » (« My Schedule »). Les paroles de l'album sont réellement extraordinaires, et forment une parfaite illustration d'un esprit anglais dans l'humour à froid et l'art du nonsense (sur « My arms don't bend that way, damn it ! », qui ouvre l'album, on entend « They say 'if you want to help, just kill yourself', but I won't (...) Don't laugh at the funeral / and don't laugh at the hospice / it's not the place that I want to be... »).  

 

    Une nouvelle fois, plusieurs morceaux incroyables du groupe sont absents de cet album (« Song for Abba tribute record » et « I wish I was in Husker Dü » par exemple), mais on ne va néanmoins pas se plaindre : Let's Wrestle nous livrent ici seize morceaux, parmi lesquels on retrouve l'imparable « I Won't Lie To You », phénoménale chanson qui avait éclairé le début d'année 2008, et dont l'intro est absolument géniale : « No matter how many records I buy, I can't fill this void... » Côté musical, l'aspect volontairement amateur, qui assure un effet enthousiasmant immédiat, n'est que la façade d'un édifice remarquablement bâti : aux premières écoutes, on est saisi par les mélodies accrocheuses des chansons et le rythme assuré, avec une basse prédominante. Les morceaux sont cependant réellement excellents, et ne livrent leur pleine mesure qu'après plusieurs écoutes : les contre mélodies, les ruptures de rythme et les chœurs sont parfaitement maîtrisés, et les nombreuses influences musicales deviennent de plus en plus évidentes, montrant le champ d'action du groupe (notamment « My Schedule », véritable démonstration).

 

    L'album est ponctué de plusieurs interludes inattendus : « My eyes are bleeding », « Atlantis » et « Waltz » forment des pauses étranges entre les morceaux de l'album. Le disque se déroule globalement de façon plus retenue que sur les chansons déjà connues, mais regorge d'éléments surprenants, parfois ridicules, souvent ingénieux et toujours amusants... Que ce soit dans les paroles, l'interprétation du chanteur ou dans les arrangements divers des chansons (les sha-la-la de « Only in Dreams », l'intro de « Song for old people », la construction de morceaux comme « Diana's Hair » et « Insects »). 

 

    Avant de livrer leur premier album, Let's Wrestle ont pris leur temps, mais ont démontré un savoir-faire impressionnant et ont surtout remporté leur pari : le trio vient de se faire une place de choix sur la scène britannique, et a justifié les attentes suscitées par les premiers morceaux, sans changer de mode de fonctionnement. Avec la sortie d'In the court of the Wrestling Let's, les choses sont désormais claires : le groupe est plus qu'une simple plaisanterie, et semble là pour durer.

 

 

 

 

 

Liste des chansons:

  1. My Arms Don't Bend That Way, Damn It!  *
  2. I'm in love with destruction
  3. Tanks
  4. My eyes are bleeding
  5. My Schedule  *
  6. We are the men you'll grow to love soon  *
  7. In Dreams
  8. Atlantis
  9. Song for old people
  10. I won't lie to you  *
  11. Diana's Hair   *
  12. I'm in fighting mode
  13. Insects  *
  14. It's not going to happen
  15. Waltz
  16. In the Court of the Wrestling Let's  *

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/letsfuckingwrestle

 

 

 

 

 

Quelques vidéos :

 

"We Are The Men We'll Grow To Love Soon"

 

 

"I Won't Lie To You"

 

 

 

 

Vinyle :

 

La pochette du vinyle, toujours dessinée à la main par Wesley Patrick Gonzalez diffère de celle du CD. Le cartonné est assez cheap.

 

Let's Wrestle - In The Court Of The Wrestling Lets

 

Pour terminer, le groupe a filmé un court-métrage débile intitulé Death Of The Blue Ninja. On peut le voir ici : www.myspace.com/deathoftheblueninja

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26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 22:26

The Horrors - Primary Colours The Horrors 
Primary Colours

(XL 2009)

 

On l'a déjà raconté, on les a découverts en janvier 2006 dans un pub souterrain de Londres nommé le Tatty Bogle[i], une cave minuscule qui pouvait accueillir à peine plus de 50 personnes. Ce soir là les Horrors avaient frappé par leur décorum gothique et leur attitude rock'n'roll, aidés en cela par un son garage-punk sale. L'album qui parut la même année confirmait les espoirs placés en ce groupe atypique. Strange House était un album de freaks obsédés par Joe Meek et les Sonics.

 

Sur leur deuxième album Primary Colours, les Horrors n'ont conservé de leur esthétique que leur visuel gothique très marqué. Le noir est plus que jamais de rigueur mais les coiffures sont moins spectaculaires, le son du groupe a lui évolué vers une musique plus froide, au centre d'un triangle qui unirait longues plages shoegaze, délires krautrock et new-wave glaciale. Cette mutation du son des Horrors a pour origine l'échange d'instruments effectué entre le bassiste Spider Webb et l'organiste Tom Furse qui a créé une nouvelle dynamique dans le groupe. Le fait que Geoff Barrow de Portishead, expert en atmosphères vaporeuses et sombres, se trouvait de l'autre côté de la vitre au moment de l'enregistrement de l'album, n'est pas étranger non plus à cette métamorphose.

 

Dès l'intro de "Mirror's Image" on sent un changement de taille, la batterie est plus un beat qu'une véritable rythmique, la basse se veut insistante, le chant de Faris Badwan n'est plus ce hurlement primal de "Sheena Is A Parasite" mais une véritable incantation dans laquelle le chanteur dévoile sa véritable voix. Une mise à nu de la part de Badwan qui a abandonné son pseudonyme de Farris Rotter et qui révèle un timbre envoûtant derrière ses intonations grandiloquentes à la Ian Curtis. Lorsque The Horrors se jettent à corps perdu dans un post-punk ténébreux, l'influence de Joy Division paraît évidente ("Do you Remember", "Primary Colours"), mais le groupe ne se contente pas de réciter sa leçon comme nombre de ses concurrents. Primary Colours tourbillonne d'idées et surprend à chaque instant, comme en témoignent le bruit blanc de l'impressionnante "New Ice Age" ou la fascinante épopée kraut de "Sea Within a Sea", sans doute le morceaux plus ambitieux et le plus décoiffant de l'album. Comment ne pas tomber à la renverse à l'écoute de ce morceau qui convoque la rythmique hypnotique de "Hallogallo" de Neu! et les synthés minimalistes de "Stratosfear" de Tangerine Dream ?

 

Au sein de cet album atmosphérique, les mélodies marquantes sont nombreuses, comme l'extraordinaire single "We Can Say" qui flirte avec le côté obscur de la new-wave, évoque même par moments les infâmes Killers, mais évite de tomber dans le piège du morceau épique. Là où le premier U2 venu se serait défoncé les amygdales dans un refrain de stade de foot, le groupe désamorce le piège en proposant un passage parlé qui cite "She Cried" du groupe sixties Jay and the Americans[ii] ("And when I told her / I didn't love her anymore / She cried (she cried) / And when I told her / Her kisses were not like before / She cried (she cried) / And then I kissed her / A kiss that only meant goodbye"). Un morceau de bravoure incroyable.

 

Parmi les morceaux marquants de cet album, citons encore "I Only Think Of You", une marche funèbre à la ligne de basse intrigante dans laquelle Badwan chante avec une voix désincarnée, et surtout ce "I Can't Control Myself" démentiel, sans aucun doute le morceau shoegaze de l'année. Avec son riff de guitare tournoyant à la Kevin Shields et son ambiance planante, il est à 2009 ce que "Hurricane Heart Attack" fut à 2002, ou "Young Men Dead" à 2006, à savoir un trip psychédélique dont on ne sort pas indemne. Ceux qui raillaient l'esthétique des Horrors il y a trois n'en reviendront sans doute pas. Primary Colours est un très grand album, le vrai chef d'œuvre des Horrors.

 

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. Mirror's Image  *
2. Three Decades
3. Who Can Say  *
4. Do You Remember
5. New Ice Age  *
6. Scarlet Fields
7. I Only Think of You
8. I Can't Control Myself  *
9. Primary Colours
10. Sea Within a Sea  *

 

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/thehorrors

 

 

 

 

Quelques vidéos :

 

"Sea Within A Sea"

 

"Who Can Say"


[i] Pour voir l'anecdote, c'est ici : http://planetgong.over-blog.com/article-2066644.html

[ii] La chanson entière, avec texte est en écoute ici : www.jacquedee63.com/shecried.html

 

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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 16:57

Art Brut - Art Brut vs. SatanArt Brut -
Art Brut vs. Satan

(Cooking Vinyl 2009)

 

 

La trajectoire d'Art Brut est de nouveau à la hausse ! Après un second album en demi-teinte, le groupe d'Eddie Argos avait incontestablement besoin d'un coup de fouet. Il est vrai que le départ de Chris Chinchilla (compositeur de la plupart des morceaux de Bang Bang Rock'n'roll), remplacé au pied levé par Jasper Future avant l'enregistrement de It's Complicated avait modifié l'équilibre du groupe. Art Brut s'est ainsi exilé à Salem (dans l'état de Washington, près de Seattle), pour enregistrer son troisième album avec Frank Black et tenter de se retrouver une identité en tant que groupe et non en tant que backing-band d'Eddie Argos.


Art Brut vs. Satan bénéficie grandement de la production punk assurée par la légende vivante des Pixies qui a su saisir l'essence du groupe. Soudé et dynamique, Art Brut semble ainsi avoir retrouvé de son allant et renoue avec l'énergie communicative de ses débuts, qui faisait défaut sur l'album précédent. En pleine confiance, c'est un Eddie Argos en verve qui braille sur les nouveaux morceaux du groupe et livre des aphorismes plus drôles les uns que les autres. Pour le meilleur et pour le pire, il continue de parler de sa vie quotidienne et de s'exposer sans honte, avec toujours ce côté un peu exhibitionniste.

 

Plusieurs chansons traitent des soirées de débauche et d'éthylisme - un sujet récurrent dans le rock'n'roll s'il en est - qu'Eddie Argos démystifie avec humour, comme l'excellente "Alcoholic Anonymous" (avec ce drôlissime "there's so many people I might have upset / I apologize to them all with the same group text"), et surtout "What A Rush", un des meilleurs moments de l'album, avec son riff agressif, ses choeurs étranglés, et quelques idioties telles que "I can't believe those things we did, especially now I'm sober".

 

Adulescent revendiqué, Argos chante des choses désuètes comme son amour des comics et des milkshakes, ses meilleurs compagnons en période de crise (dans "DC Comics & Chocolate Milkshakes"), mais tombe quelque fois dans le piège de la chanson-anecdote. C'est le cas pour "The Passenger", dans laquelle Argos se présente comme un observateur amusé du monde qui l'entoure, avec un texte peu inspiré ("some people hate the bus, not me, I can't get enough") ou "Summer Job" inintéressante aussi bien musicalement que dans le texte. On le préfère quand il se met à nu et livre ses petites lâchetés (comme lorsqu'il explique le stress qui lui procure la parade amoureuse dans "Am I Normal ?" : "deep breath, stay calm, try to hide those sweaty palms") ou lorsqu'il narre ses déboires nocturnes dans "Mysterious Bruises".

 

Un des aspects intéressants de l'album concerne son côté revendicatif. Argos y explique ce qu'il aime dans le rock, notamment dans "Slap Dash For No Cash"[i] dans laquelle il entonne "Slap dash for no cash / those are the records I like /... / when something doesn't sound quite right" (on est d'accord avec lui). Cette même chanson pose une question essentielle concernant la scène rock britannique actuelle ("Why is everybody's trying to sound like U2? It's not a very cool thing to do"), à laquelle Argos n'arrive pas à répondre plus que nous. Plutôt que de s'arréter sur ce mystère, il enchaîne sur une chanson dédiée aux Replacements dans laquelle il s'étonne de ne pas avoir découvert ce groupe plus tôt  ("I can't believe I've only just found out about the Replacements / Some of them are nearly as old as my parents!") et distille un conseil en filigrane : achetez des vieux disques d'occasion, c'est toujours mieux que les groupes actuels sans intérêt.

 

Son dédain envers le grand public qui écoute de la soupe en masse atteint son sommum sur "Demon's Out" qui donne son titre à l'album. Argos y fait une déclaration de foi fracassante : "the record-buying public / we hate them / this is Art Brut vs. Satan". Ce morceau fait un peu écho au "Don't buy your records in the supermarkets" de "Formed A Band" et sonne un peu comme un aveu d'impuissance pour Art Brut. En 2005 Argos se voyait à Top Of The Pops et annonçait avec grandiloquance (et humour bien sûr) "I'm gonna write a song as universal as Happy Birthday". Ses illusions perdues ("a lesson learned, and learned hard"), il lève deux doigts en direction des acheteurs d'albums populaires, avec une certaine amertume ("How can you sleep at night when nobody likes the music we like  / How am I supposed to sleep at night when no-one likes the music we write"), présentant Art Brut comme les défenseurs d'une musique de qualité. Il va sans dire que ce discours sonnerait creux et imbécile si Art Brut vs. Satan était un mauvais disque. Heureusement pour son génial leader, cet album est à la hauteur de ses prétentions.





Tracklisting :

1. Alcoholics Anonymous  *
2. DC Comics and Chocolate Milkshake   *
3. The Passenger
4. Am I Normal?
5. What a Rush   *
6. Demons Out!
7. Slap Dash for No Cash   *
8. The Replacements   *
9. Twist and Shout
10. Summer Job
11. Mysterious Bruises

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/artbrut
Le blog officiel d'Eddie Argos (très drôle) : http://the-eddie-argos-resource.blogspot.com/

 

La vidéo de "Alcoholic Anonymous" :


[i] Dont le titre signifie en gros "Fait à l'arrache pour pas un rond"

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 08:07

The Rakes - Klang ! The Rakes -

Klang !

(V2 2009)

 

 

Exilés à Berlin pour s'éloigner de la scène anglaise qu'ils trouvent stupide (on partage leur avis), The Rakes reviennent de la capitale allemande avec un nouvel album sous le bras. Un choix intéressant de la part de ce groupe londonien  jusqu'au bout des ongles qui a su décrire mieux que quiconque le lifestyle des yuppies de la City ("22 Grand Job") ou le train-train du lad moyen ("Work Work Work (Pub Club Sleep)", "Repeat"). Tout aussi bon qu'il soit, il manquait un grain de folie au précédent Ten New Messages pour en faire un album mémorable, et l'espoir était grand que les Rakes retrouvent leur folie à l'occasion de ce Klang! au titre annonciateur de bonnes choses.

 

Alors que plus rien de bon ne semble sortir de Grande-Bretagne, c'est avec un peu d'appréhension qu'on glisse le disque sur la platine et qu'on pose délicatement le saphir sur le sillon. Les Rakes vont-ils merder eux aussi ? Les premières notes de l'album rassurent. Un premier riff de guitare chaloupé, une rythmique binaire, puis la voix d'Alan Donahue : on retrouve les Rakes de Capture/Release, et on ne s'en porte pas plus mal. Malheureusement on déchante très vite. Quelques morceaux fonctionnent plutôt bien, avec toujours la même formule efficace éprouvée par le groupe -  rythme entraînant, mélodies qui restent en tête, quelques breaks de guitare qui viennent briser les reins - mais l'album dans son ensemble ressemble trop à une photocopie ratée de Ten New Messages. C'est loin d'être mauvais, c'est même plutôt bon par moments, mais ça sonne déjà entendu, à l'image de "The Loneliness Of The Outdoor Smoker", "That's The Reason" ou "1989".

 

Le problème de Klang!, au-delà du manque de variété dans les morceaux et de l'impression de répétitivité qu'il génère, demeure sa qualité d'écriture décevante. Les textes d'Alan Donohue reprennent des thématiques attendues - sexe, vie nocturne, mal-être -, avec encore un morceau qui traite de la clope en extérieur ("The Loneliness Of The Outdoor Smoker", moins drôle que le "Wanna Smoke" de Graham Day). mais ont perdu de leur efficacité. La concision qui faisait la force de Donohue fait aujourd'hui place à des longs passages parlés moins percutants. Au détour d'une rime, le chanteur parvient parfois à nous faire sourire, mais on s'attendait à mieux de la part de cet auteur attachant (par ailleurs l'album s'ouvre sur un "sometimes you can't smell the shit when you're in it" qui peut être plutôt drôle si on fait partie de ceux qui considèrent cet album comme mauvais).

 

En outre, Klang! souffre d'un manque d'inspiration manifeste de la part des Rakes. Nombreux sont les morceaux qui tournent à vide, sans réelle mélodie ni énergie. L'apathie du groupe nous vaut quelques pistes laborieuses comme "Muller's Ratchett", ce "Shackleton" qui surprend par son faux rythme lénifiant ou "Bitchin In The Kitchen" qui avance à un rythme de sénateur et ne décolle que faiblement en fin de morceau lors d'un solo paresseux et d'un refrain facile. Qu'arrive-t-il à Matthew Swinnerton ? Qu'est devenu le guitariste inspiré de Capture/Release ? Il traverse l'album de façon anonyme, récitant sa leçon de new-wave sans génie.

 

Le seul moment où Klang! finit par surprendre reste le morceau "The Woes Of The Working Woman" dans lequel le groupe semble prendre du plaisir. Après une intro au piano bastringue, la chanson commence façon délirante avec un passage où Donohue prend un accent prolo, sur fond de musique de cabaret. C'est de loin le moment le plus amusant de l'album, un des rares où on retrouve le fun du premier album, la côté gentiment déjanté des Rakes qui fait le charme de "22 Grand Job". Le groupe y est imprévisible et s'amuse à prendre l'auditeur à contrepied comme à sa meilleure heure. On aurait aimé qu'il en soit de même pour tout l'album.

 

 

 

 

Tracklisting :

 

1. You're in It  *
2. That's the Reason  *
3. The Loneliness of the Outdoor Smoker
4. Bitchin' in the Kitchin'
5. The Woes of the Working Woman  *
6. 1989  *
7. Shackelton
8. The Light from Your Mac
9. Muller's Ratchet
10. The Final Hill
11. Never Get Married

 

 

 

Le MySpace des Rakes : www.myspace.com/therakes

 

La vidéo de "1989"

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