Romance At Short Notice
(Mercury 2008)
Un mois après la sortie du très attendu 2e album des Dirty Pretty Things, il est temps de ressortir le CD de son boitier qui avait commencé à prendre la poussière et de le glisser dans la chaîne. Les premières écoutes de Romance At Short Notice nous ont plongé dans un désarroi que l'arrivée des vacances ont à peine réussi à réprimer, alors on a boudé cet album. Un mois au frais, et on verra ce qu'il en restera. Arrivée l'heure de l'exhumation, c'est avec une certaine fébrilité qu'on s'apprête à pousser le bouton Play. L'album médiocre qu'on a écouté une dizaine de fois début juillet nous paraîtra-t-il meilleur après un mois de recul ?
La réponse arrive très vite. L'intro pataude "Buzzards & Crows" est toujours aussi difficile à avaler. L'enchaînement sur la peu subtile "Hippy's Son" (où Carl fait racler sa voix tel un Strummer des mauvais jours) fait mal. Les 6 premières minutes de l'album sont difficiles à encaisser : mélodies zéro, énergie zéro, textes pas mieux. On est heureux de trouver un son familier sur "Plastik Hearts" (écrite par le guitariste Anthony Rossomando), qui commence comme la petite sœur de "What Katie Did" mais tourne mal à cause d'un refrain criard digne des Fratellis.
Ceci est un message adressé à tous les groupes du monde entier : arrêtez d'aller enregistrer vos albums à Los Angeles avec des producteurs tels que Dave Sardy ou Rob Schnapf : vos albums sonnent tous les mêmes. 2008 aura été pour le rock anglais l'année de l'uniformisation. La vague rock qui faisait frémir en 2002-2003 est rentrée dans les rangs, et la plupart des groupes étant devenus respectables, décident désormais de capitaliser benoitement les albums sans prendre de risques. Certains ont critiqué Doherty pour son retour à un son propre sur le brillant Shotter's Nation. Il sonne franchement garage à côté de Romance At Short Notice qui ne possède pas de personnalité propre. A vrai dire, si le nom de Carl Barât n'avait pas été associé à ce disque, on n'aurait même pas daigné écrire de chronique dessus. Grosse déception.
Comment ne pas relever l'ironie de "Tired Of England" où Barât peine à se rendre compte qu'il est en train de sombrer dans un cliché de lui-même? La mélodie, fortement marquée par des années d'écoute des Smiths, est noyée par une production dénuée de subtilité. Les paroles sont plutôt maladroites et enfilent les clichés comme des perles ("They'll never know where the ones with the dreams go", par exemple). L'Angleterre romancée des Libertines, cette Albion fantasmée et portée par des vents héroïques ("The arcadian dream has all fallen through but the Albion sails on course" chantait Barât sur "The Good Old Days") sonne aujourd'hui comme un rêve fané, où l'incompréhension semble de mise ("How can they be tired of England? They'll never know the England that we know", qui pourrait être traduite par "la terre c'est notre chez-nous"). Carl Barât semble plus dépassé que conquérant sur ce morceau décevant que le groupe a choisi de sortir comme premier single de Romance At First Notice.
Les seuls moments où on retrouve l'univers familier de Barât sont les ballades qui portent en elles le plus de simplicité telle les excellentes "Come Closer" (avec un magnifique pont qui lance le refrain), "Faultlines" ou "Truth Begins", de loin le meilleur morceau de l'album, que ce soit au niveau de la mélodie ou des paroles inspirées (qui contiennent de nombreuses références aux Libertines : " This is where the truth begins/For more than seven deadly sins", " We are just bums lest you forget/We can beg steal and borrow" et sans doute un message adressé à Pete Doherty : "It wouldn't hurt just to give it a try and win/Don't forget who you're meant to be"). De vraies bouffées d'oxygène. Le vieux Carlos a par ailleurs quasiment rayé le mot punk de son vocabulaire, hormis sur une paire de morceaux plutôt bien foutus, à défaut d'être terrassants ("Best Face" et son refrain gagnant, "Chinese Dogs" chanté par Didz, qui ressemble à une version brouillon de "Work Work Work (Pub Club Sleep)" des Rakes). Certains diront que Barât a pris des risques et s'est affranchi de son image punk. Trop de choses dysfonctionnent sur cet album pour qu'on applaudisse cette nouvelle orientation : la qualité d'écriture de Barât est assez inégale, le son de l'album manque de personnalité pour vraiment surprendre ou séduire l'auditeur.
Avec ce tournant inattendu que prennent les Dirty Pretty Things de Carl Barât, il apparaît que l'esprit des Libertines n'est plus aujourd'hui porté que par Pete Doherty. Comme l'indique la pochette confuse, Dirty Pretty Things n'ont plus grand chose de rock'n'roll et ont abandonné l'imagerie romantique de Waterloo To Anywhere, si proche de celle de BabyShambles, pour un style pictural plus moderne. Les divers styles musicaux empruntés ici indiquent que Carl Barât ne semble plus trop savoir dans quelle direction aller. On l'a même entendu récemment évoquer une possible reformation des Libertines... Un aveu d'impuissance ?
Un dernier message à tous ceux qui ont adoré les Libertines et ne se résolvent pas à accepter que Barât ait raté son deuxième album. Oui, ça fait chier de le dire : ce Romance At Short Notice est moins bon que le dernier truc hype à la MGMT ou Foals. Il va falloir déployer des trésors de mauvaise foi pour faire la leçon aux plus jeunes et essayer de leur expliquer qu'ils font fausse route...
Tracklisting :
1 · Buzzards & Crows
2 · Hippy's Son
3 · Plastik Hearts
4 · Tired Of England
5 · Come Closer *
6 · Fault Lines
7 · Kicks Or Consumption
8 · Best Face *
9 · Truth Begins *
10 · Chinese Dogs
11 · The North
12 · Blood On My Shoes
Pour écouter des extraits de l'album : www.myspace.com/dirtyprettythingsofficial